Gildo Tavares a.k.a Twin XXA

22 sep. 2023
Gildo Tavares a.k.a Twin XXA

Gildo Tavares a.k.a Twin XXA © Gildo Tavares
Article en Français
Auteur : Godefroy Gordet

À 13 ans, Gildo Tavares découvre le hip-hop par l’intermédiaire de son oncle. Il grandit entouré de vinyles, et ça lui devient une évidence d’être un jour dans la musique. Au fil du temps, la musique devient une sorte de thérapie pour lui, elle l’aide à lutter contre ses démons, et tout autour de lui se connecte à la musique. Cette passion viscérale, il l’a d’abord transcrite par le biais d’un premier projet aux tessitures électroniques, Aamar. Deux albums – Toro et Drips – paraissent, le capverdien fait bouger les salles de concert du Grand-Duché et d’ailleurs, il est soutenu par les plus grands de la scène luxembourgeoise tels que le producteur Sun Glitters qui le loge sur son label 7eventy3hree, et puis, Aamar s’éteint, remplacé par Twin XXA. Nouvelle figure que revêt Gildo Tavares, Twin XXA se montre nettement plus avant-gardiste, cultivant une musique électronique à l’épaisse couche cérébrale, allant dans les profondeurs d’une recherche sonore complexe façonnée par les mondes intérieurs du producteur luxembourgeois. D’abord projet parallèle à la personnalité de ses débuts, Twin XXA s’empare rapidement du musicien pour l’habiter d’une identité décrite comme « conceptuelle et surréaliste ». Rencontre avec un artiste qui vogue au gré de visions artistiques intensément expiatoires.

Gildo Tavares a.k.a Twin XXA, © Gildo Tavares
Gildo Tavares a.k.a Twin XXA, © Gildo Tavares

Salut Gildo. Après une tournée en Chine et au Japon sous ton blase « Aamar », l’année 2017, avec comme symbole ta performance au OIL Club de Shenzhen, marque une transition nette dans tes aspirations musicales. Peux-tu nous expliquer les grandes étapes de ta transformation artistique de Aamar à Twin XXA ?

Je pense qu'après mon passage au Japon en septembre 2017, j’ai déjà qu'il me fallait du changement dans ma musique. À mon retour au Luxembourg, juste après être partie en Chine, j’avais déjà le sentiment que ma musique stagnait. Un changement m’était nécessaire. Pour moi, les sons que je sortais sous la signature « Aamar » ne me représentaient pas totalement, ma façon d'être, et notamment mon identité profonde, ça n’était pas naturel. Sous les tessitures qu’Aamar amené, je me forçais à produire. Et puis, il y avait une certaine demande, une certaine « fanbase », si je peux dire ça comme ça… En 2018, à nouveau en Chine, je me suis retrouvé entouré de nombreux artistes très intéressants qui m’ont beaucoup inspiré, et notamment par des performances à couper le souffle, comme celles de l’artiste Shenzen (oil Club). Je me suis vu là-dedans et à mon retour au pays, j'ai pris le risque de m’autoriser ce changement. C’était nécessaire pour que je puisse entreprendre ce chemin qui me semblait plus honnête envers moi-même et ma musique. Aamar ne correspondait plus à l'imagerie qui m’habite depuis le début de cette nouvelle aventure en tant que Twin XXA.

Il y a plusieurs années, je t’interrogeais suite à la sortie de ton premier album aux consonances électroniques, Drips, alors sous signature « Aamar ». À l’époque, tu m’expliquais chercher encore ton identité musicale, pour ajouter, « petit à petit, je me découvre un peu plus, c’est comme une aventure pour moi ». Comment te définirais-tu aujourd’hui en tant que compositeur ?

Aujourd'hui, je dirais que je me suis retrouvé, en quelque sorte. Je me sens plus libre, j'expérimente sans crainte, sans la peur que les gens s'éloignent de mes projets. J'ai aussi trouvé ma communauté. Cette peur de ne pas plaire et celle de ne pas faire le nécessaire se sont évaporées. Des peurs qui m’occupaient lorsque je travaillais en tant qu'Aamar, vu que je cherchais encore mon identité musicale. Il m’a fallu sortir loin du Luxembourg pour pouvoir me retrouver. Il m’a fallu m'éloigner de mon cercle habituel pour me permettre de vivre la musique sous toutes ses formes. On peut dire, aujourd'hui, que l'aventure n'est pas finie, mais que la vision est bien définie.

Aujourd’hui, tu développes un projet qui oscille entre les productions génialement freak de Arca, l’univers ténébreux d’artistes tels que Flying Lotus ou Nosaj Thing, et d’autres influences venues de la plus pure tradition de la composition électronique contemporaine. Sous quelles modèles, aspirations, ou nécessités s’est construit ce nouveau projet qu’est Twin XXA ?

Je me suis rendu compte que les sons déconstruits, du genre de ceux de Aphex Twin, Arca, FLying Lotus, Bjork, ou bien Nosaj Thing m’étaient beaucoup plus naturels que les productions que je réalisais sous le nom de « Aamar » à l’époque. Voilà plus de dix ans que j’étudie leurs styles de production. Je savais que j'allais partir dans cette direction, un jour ou l'autre. En 2019, Twin XXA – prononcé, « Twin double X A » – est né. Ce nom est venu d'une sorte de conflit interne qui m’est propre : Twin XXA c'est tout simplement deux mondes qui habitent dans le même corps, avec différentes façons de produire, différentes façons de composer et d'écrire la musique. Je sais qu’Aamar restera toujours là, mais mon côté mad scientist est un monde que je veux vivre présentement.  

Si au début, tu tenais les deux projets en parallèle, depuis ces trois dernières années, Aamar s’est complètement effacé au profit de Twin XXA. Pourquoi ?

Il n'a pas vraiment disparu. En tant qu’Aamar, je me suis concentré à produire d’autres artistes en studio, des chanteurs, des rappeurs, notamment pour réaliser leurs arrangements. Aamar est toujours là. Bien que je ne pense pas refaire de projets solos en tant qu’Aamar, du moins vraiment pas maintenant.

Sous la signature de Twin XXA, ces dernières années tu as sorti deux EP baptisés Burden et Birth of. Quelle a été la genèse de ces projets musicaux ?

J'ai pris mon temps avec ce projet. C'était très fatigant, mais très fun. J'ai dû apprendre la composition pour écrire ces chansons. J'ai aussi appris à coder pour « Max for live », et pour la plupart des maquettes sonores. Mais en même temps, la plupart de ces sons existaient déjà depuis plus de cinq ans. Il fallait les reprendre bien sûr, bien qu’il y ait eu quand même beaucoup de field recording et de sound design par-dessus… En même temps, c'est très difficile à expliquer en détails. Mais, c'était très amusant.

La tracklist de Burden fait se suivre les titres Warmth, Love, Latch, Defeated et le titre éponyme, Burden – « chaleur, amour, loquet, vaincu, fardeau », en français –, Birth of, lui embraye le pas et donne à entendre des titres bien plus sombres encore, nommés Adoration, Tears, Anger, Violent Pleasure, Endless et Solitude – « adoration, larmes, colère, plaisir violent, infini et solitude », en français. Tessitures moroses, et langoureuses, titres évocateurs d’émotions intérieures puissantes, et récits initiatiques allant jusqu’à des finalités ancrées dans l’épreuve humaine… Ces disques, ils racontent quoi ?

Il n’y a pas grande chose à dire. Ce projet parle de toutes les émotions qu’un être humain ressent ou a ressenti dans sa vie. Ce n'est pas seulement personnel. J'espère que tout le monde – du moins ceux qui l'écoutent – puissent trouver une partie d'eux-mêmes dans ce projet. Ça parle non seulement des traumas, mais aussi de la beauté émotionnelle. Quelles que soient les façades derrière lesquelles on se cache tous les jours, on reste des êtres humains.

Depuis Aamar, ta musique conserve cette idée de faire voyager les gens en eux-mêmes, au travers de tes différents mondes de musicalité. Où nous embarque Twin XXA ?

Avec Twin XXA, je veux faire voyager les gens dans un monde remplit de possibilité sonore. Je pense que c'est ça : faire découvrir aux gens que la musique électronique est bien plus belle et profonde que l’on pourrait l’imaginer.

Quels sont tes rêves pour la suite, avec ce projet assez neuf, néanmoins très ambitieux dans les mains ?

Mon rêve pour ce projet et pour le futur, c’est tout simplement de faire en sorte que les gens qui m’écoutent, puissent faire un grand voyage sonore à travers mes compositions. J’aimerais par là, que chacun puisse partager ses idées malgré nos différences.