LOBSTER KNIFE FIGHT

18 déc. 2023
LOBSTER KNIFE FIGHT

Lobster Knife Fight, EP, The Cookie Jar Complot
Article en Français
Auteur : Pablo Chimienti

C’est sous le nom de The Cookie Jar Complot que Sven Schmeler et Gilles Glesener poursuivent leur chemin musical commun. Leur deuxième EP, Lobster Knife Fight, est sorti cet automne et propose huit tracks pleins d’énergie au style situé quelque part à la croisée des chemins de l’indie rock, du post-rock et du math-rock. Une musique instrumentale, pleine d’alternance entre les rythmes, les mélodies et les BPM, faite pour se lâcher, « headbanguer », transpirer, mais aussi pour se laisser transporter par les images et les émotions transmises, malgré l’absence de textes et de voix, par les guitares et la batterie du duo. Interview, et quelques bonnes tranches de rigolade, avec les deux musiciens.

En décembre 2021, vous avez sorti Caviar Capital ; un peu moins de deux ans après, c’est le tour de Lobster Knife Fight. De quoi s’agit-il ?

Sven Schmeler : Caviar Capital réunissait nos premières chansons. Toutes nos premières chansons ! Depuis, on a continué à écrire et Lobster Knife Fight est le résultat de tout ce qu’on a fait et de tout ce qu’on a appris en jouant live. Notre musique est devenue plus accessible, c’est plus facile de danser dessus ; c’est aussi par moments un peu plus bruts. Ce n’est pas tout à fait un album, plutôt un EP auquel on a ajouté quelques interludes. On a sorti cinq singles et on a trois interludes, comme ça, ça donne l’impression, du moins sur le dos du vinyle, d’avoir un album. Mais bon, ça reste quelques 24 minutes de musique.

Oui, c’est plus un EP, effectivement.

Sven : Absolument, mais il y a huit tracks ! (il rit)

Vous vous connaissez depuis des décennies tous les deux, mais avez commencé à lancer The Cookie Jar Complot seulement en 2020. Racontez-nous votre aventure. Comment fonctionne votre duo ?

Gilles Glesener : On a commencé à jouer ensemble en 2010 après s’être croisés à différents concerts alors qu’on était encore tous les deux à l’école. Sven jouait alors dans un groupe de métal, tandis que moi, je jouais dans un groupe stoner, mais en discutant, on a découvert qu’on aimait la même musique. Un jour Sven m’a proposé d’aller chez lui pour faire un jam. Comme il avait déjà une idée pour une chanson, on a travaillé dessus tous les deux, et c’est devenu The Cookie Jar Complot qui n’est finalement sortie que l’an dernier. À l’époque déjà, on se demandait si on voulait du chant et des textes pour nos chansons. Mais bref… On a cherché d’autres musiciens pour nous rejoindre dans ce projet, mais ça n’a pas trop fonctionné et du coup, ça s’est arrêté en cours de route. En 2020, par hasard, j’ai revu Sven dans une formation ; il m’a dit qu’il jouait dans un groupe et m’a proposé de les rejoindre pour une répète. J’ai alors fait quelques répètes avec eux, mais ce n’était pas mon truc, j’ai alors demandé à Sven s’il ne voulait pas qu’on fasse un truc juste tous les deux.

Sven : En fait, Gilles avait arrêté de faire de la musique, l’idée était simplement de le remettre dans un contexte musical pour qu’il recommande à penser musique !

Gilles : Oui, c’est vrai, j’avais arrêté de faire de la musique, car j’en avais marre de me trouver de manière répétée dans la situation de faire partie d’un groupe et de constater que petit à petit les membres perdaient leur motivation. Du coup, pour moi, la musique, c’était terminé ; et je dois dire que j’ai eu de la chance d’avoir Sven qui a réussi à réanimer mon envie de m’y remettre.

The Cookie Jar Complot, © Nathalie Nicola
The Cookie Jar Complot © Nathalie Nicola

« Y a-t-il encore de la place pour du chant ? »

Vous avez commencé à parler de ce questionnement sur le fait d’avoir ou non du chant ; en tout cas, pour l’instant, il n’y en a pas…

Sven : Pour moi, cette histoire de chant ou pas, est une question qui se posait dans la première version du groupe, parce qu’on était, à l’époque très influencés par des groupes comme Two Door Cinema Club, Bombay Bicycle Club ou d’autres groupes typées indie rock qui fonctionnaient bien avec une structure conventionnelle et du chant ; mais au fur et à mesure, en composant, on s’est dit qu’au lieu de se demander si on voulait des « vocals » ou non, il valait mieux de juste écrire des morceaux et de voir ensuite, une fois le morceau écrit, s’il fallait y ajouter du chant ou non. Pour le moment, on a toujours trouvé que les morceaux se tiennent tels qu’ils sont, juste avec la musique ; mais ça ne veut pas dire qu’on exclue totalement la possibilité d’avoir des textes à l’avenir ; le projet évolue constamment, on se laisse donc la possibilité d’ajouter du chant si on trouve qu’une chanson nécessite du texte.

Ça peut sembler un peu paresseux de ne pas prendre la peine d’écrire un texte pour vos morceaux…

Sven : Dans nos morceaux, selon les différentes mélodies, il peut y avoir 10 pistes de guitare ; il y a ensuite une batterie qui maintient le tout ensemble, une basse qui donne du punch et encore une guitare rythmique qui donne plus de rythme. C’est déjà beaucoup. Y a-t-il encore de la place pour du chant ? Alors oui, peut-être qu’on est un peu paresseux ; pas tant parce qu’on n’ajoute pas de chant à nos morceaux, mais parce qu’on n’apprend pas à nous retenir musicalement pour finalement laisser de la place à la voix et au texte.

« Je mène un combat journalier avec la guitare »

Alors, comment naissent vos morceaux ?

Sven : Au départ, on faisait un jam. Mais de là sont surtout nées des chansons qui existent, mais qui ne sont, pour l’heure du moins, jamais sorties. Désormais, on travaille surtout à distance. Il y en a un qui vient avec une idée, on en parle, il envoie cette première proposition à l’autre qui y ajoute un truc et la renvoie au premier, qui retravaille dessus, etc., jusqu’au moment où on se dit que c’est le moment de se revoir et de finaliser le morceau ensemble pour voir où mettre telle mélodie et telle autre. L’an dernier, j’ai eu une grande phase créative et en ce moment, c’est Gilles qui est en train de composer beaucoup de mélodies parce qu’il a un nouveau synthé et qu’il s’amuse dessus de manière très efficace.

Sur scène, vous jouez, Sven, de la guitare et Gilles, de la batterie, mais, en fait, vous êtes tous les deux multi-instrumentistes, c’est bien ça ?

Sven : Je ne dirais pas que je suis multi-instrumentiste, je dirais que je mène un combat journalier avec la guitare pour qu’elle m’accepte et j’essaye d’écrire des lignes rudimentaires de basse pour que ça fonctionne. Gilles, en revanche, est vraiment multi-instrumentiste.

Gilles : (Il rit)… Allez Sven, tu peux aussi appuyer sur des boutons sur un keyboard !

« Ces morceaux racontent une histoire, mais une histoire différente selon chacun »

Du coup, ils racontent quoi vos morceaux ?

Sven : En écoutant nos morceaux, on a souvent des images en tête ; et nous, on aime bien créer ces images. Mais ce n’est pas quelque chose de précis.

Gilles : Pour moi, ces morceaux racontent une histoire, mais une histoire différente selon chacun. Je peux avoir une image en tête et une autre personne en avoir une autre, et c’est très bien ainsi. Si une personne voit la mer en écoutant un de nos morceaux, c’est la mer. Mais peut-être que, moi, pendant que je composais le morceau, j’avais plus en tête un voyage en train ou quelque chose comme ça. Pour chaque personne, c’est différent et c’est très bien que ça reste un peu abstrait comme ça.

Sven : Avec les titres – et même si les titres sont volontairement un peu « strange » – des chansons, on donne une petite idée. Mais bon, plus qu’une image, je dirais que ces morceaux transmettent une émotion. Souvent, les titres sont ce qu’ils sont parce qu’ils vont bien, émotionnellement parlant, avec le morceau.

Parlons des titres du coup, déjà, on remarque une forte tendance aquatique, voire maritime, dans les titres des EP, mais surtout, au niveau des morceaux, on est passés de Caviar Capital de Neo, TFO, sweet dreams et Tides à Lobster Knife Fight, Beaver deceiver, Cicadas, Villabajo, Birds are a Lie, Tilidine Zidane, Pigeon Slayer, Bats Bringers Of The Night et LLTAOS. Alors, certes, il y a encore des titres très mystérieux, mais aussi et surtout une grande présence animale. Ça ne peut pas être un hasard, si ?

Sven : Souvent, ce sont les titres des projets. Prenons l’exemple de Tides, qui est la première chanson que nous avons finalisée après que Gilles a repris la musique. Je me suis retrouvé sur l’ordinateur à devoir sauvegarder le document et à devoir lui donner un nom.  Il n’y a pas de sens profond ou d’idée précise derrière ça, mais c’est juste ce qui m’est venu en tête au moment de la sauvegarde. Et comme je trouve que, bien souvent, la première idée est la meilleure, c’est resté.

Release party de Cookie Jar Complot © Caroline Martin
Release party de Cookie Jar Complot © Caroline Martin

D’accord, mais alors qu’en est-il de toute cette animalerie : beaver, birds, pigeons, bats… ?

Sven : (silence)… C’est parce qu’on a souvent des histoires insolites autour des animaux.

Gilles : Allez, raconte l’histoire avec le pigeon ! (Il rit)

Sven : OK, un jour, sans faire exprès, j’ai écrasé un pigeon devant les Rotondes. Depuis, à chaque interview, Gilles essaye d’en parler pour en faire une sorte de mythe. C’était vraiment involontaire, mais pour me faire pardonner, ne serait-ce qu’un peu, on a décidé de dédier ce morceau à ce pauvre pigeon. Et c’est aussi une manière de rendre hommage à Pzei des Rotondes (NDR : Nicolas Przeor, guitariste du groupe Mutiny On The Bounty et assistant événements musicaux aux Rotondes) qui nous a toujours beaucoup soutenu et qui est le créateur du « Pigeon Slayer » qui me colle à la peau depuis ce jour-là. En ce qui concerne les autres animaux, ils sont tous arrivés là à peu près de la même manière ; pour « Birds », par exemple, c’est un clin d’œil à un article que j’ai lu sur un gars adepte des théories du complot qui disait que les oiseaux n’existent pas, que ce sont juste des mensonges du gouvernement, etc. Un truc aussi farfelu que morbide comme on les adore.

« Je ne connais aucun autre groupe qui fait la musique que nous faisons »

Laissons de côté les paroles, ou le manque de paroles, et parlons musique. Vous mélangez post-rock, math-rock et indie rock, vous laissez beaucoup de place à la guitare…

Gilles : Oui, c’est difficile de se classer dans un genre ; mais ce que je sais, c’est que je ne connais aucun autre groupe qui fait la musique que nous faisons.

Sven : C’est ça, on prend toutes nos influences et on essaye de les faire à notre façon. Disons qu’on reste sur une base indie et après, souvent, ça part vers quelque chose de plus spécial. D’autant que Gilles est maintenant parti vers quelque chose de plus proche du songwriter avec un côté dark tandis que je repars, moi, vers quelque chose de plus heavy.

Lobster Knife Fight est sorti le 27 octobre dernier, la release a eu lieu le 10 novembre, quel est désormais le quotidien de The Cookie Jar Complot ?

Sven : Je fais régulièrement des allers-retours à Los Angeles pour manger du « lobster » et pour signer de gros contrats (rires)… Plus sérieusement, on est en train de travailler sur une tournée pour 2024, mais comme on est de grands sceptiques, on préfère ne pas trop en dire pour le moment. En tout cas, on travaille à fond là-dessus pour le Luxembourg, mais aussi un peu pour l’international.