EXPO 2020 Dubaï : Renelde Pierlot et Simone Mousset pour le théâtre et la danse

03 jan. 2022
EXPO 2020 Dubaï : Renelde Pierlot et Simone Mousset pour le théâtre et la danse

Article en Français
Auteur: Salomé Jeko

Huit artistes issus de sept champs artistiques représenteront le Luxembourg à l’Exposition Universelle Dubaï 2020 qui a débuté le 1er octobre et se tiendra jusqu’au 31 mars 2022. Ce Kënschtlerkollektiv investira le pavillon du Luxembourg (seulement) du 15 au 31 janvier, avec un projet commun intitulé Mir wëlle bleiwen, wat mir ginn et décliné en six propositions artistiques transdisciplinaires et collaboratives, faisant écho au thème de l'exposition Connecting minds, creating the future. Rencontre avec le binôme Renelde Pierlot et Simone Mousset, respectivement metteuse en scène et chorégraphe, qui présenteront How To Host A Ghost dans les catégories théâtre et danse.

Le projet que vous proposez dans le cadre de l’Exposition Universelle Dubaï 2020 est un « projet-laboratoire » baptisé How To Host A Ghost. Pourquoi ce nom ?

Renelde Pierlot : How To Host A Ghost (en français : comment accueillir/héberger un fantôme) invite des artistes issus de différents pays situés entre Luxembourg et Dubaï à investir le pavillon luxembourgeois de questions qui les hantent. Les fantômes représentent de manière métaphorique des personnes, des idées, des questionnements qui ne sont pas représentés à l’exposition universelle, ou encore qui en sont victimes.

Simone Mousset : Le fantôme du titre, c’est en effet les questions qui nous troublent au sujet de l’expo. En « hébergeant » ce fantôme, nous proposons de nous confronter frontalement à ces troubles, y compris avec ceux qui émanent du fait que nous avons décidé de participer à l’évènement.

Parlez-nous de la première partie du projet, intitulée Ghostcatcher.

RP : Nous avons demandé à six artistes plasticiennes Laurie Lamborelle (Luxembourg), Sonja Obradović (Croatie), Katerina Andreeva (Russie), Sasha Abela (Liban), Somayeh Pakar (Iran) et Sawsan Al Bahar (Émirats Arabes Unis) de collaborer à la construction d'une grande structure appelée Ghostcatcher (attrape-fantôme). Elle sera suspendue dans le pavillon et délimitera l'espace dédié aux artistes performeuses qui occuperont cet espace jour et nuit. Le Ghostcatcher créera ainsi successivement un lieu de travail désordonné, un espace rituel rappelant les pratiques sacrificielles et/ou méditatives, un couchage improvisé, une frontière…

SM : Nous avons demandé à chaque artiste qui a participé à la fabrication du Ghostcatcher, de nourrir leurs contributions de réflexions individuelles sur la notion des fantômes socio-politiques et de toutes choses cachées et réduites au silence dans leur propre environnement. Le résultat du travail de ces artistes forme un enclos hanté qui, occupé par les huit artistes-interprètes, fait également allusion aux zoos humains qui ont figuré dans différentes expositions universelles jusqu’en 1958.

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Ghostcatcher, Work in Progress © Laurie Lamborelle

Le projet va aussi vous amener à vivre et dormir au sein du pavillon luxembourgeois dans le cadre d’une résidence nocturne. Expliquez-nous.

RP : C’est ça. La plus grande partie de notre projet se passe au sein même du pavillon, sous la forme d’une résidence/laboratoire avec un groupe de huit artistes performeuses. Elles habiteront pendant 7 jours, 24 heures sur 24, dans le pavillon luxembourgeois pour y dormir le jour et y travailler la nuit. La nuit parce que c’est le moment des fantômes, non seulement imaginaires, mais aussi réels, celui des personnes travaillant dans l’ombre (service de ménage, maintenance...) et qui rendent l’exposition universelle possible. 

SM : En effet. Pendant la nuit, How to Host a Ghost devient un vrai laboratoire de discussion et de réflexion collective. Alors que les journées seront consacrées au sommeil et à une pratique mélancolique d'occupation du pavillon, les itinérances nocturnes dans le pavillon seront un moment pour nous approprier les effets de notre présence quotidienne, de notre confrontation avec l'hyper-environnement de l'Exposition.

De quelle façon allez-vous présenter votre travail aux visiteurs ?

SM : Les visiteurs pourront voir les artistes vivre au sein du pavillon dans l’espace créé par le Ghostcatcher qui va d’ailleurs évoluer au fil de la semaine. Pour le reste, nous n’allons pas proposer des représentations. Au fil de la journée, certains visiteurs verront éventuellement des expérimentations artistiques qu’ils ne reconnaîtront peut-être pas comme telles, des formes artistiques fantômes, de l’ordre du théâtre invisible. Mais en étant actifs durant la nuit, quand le pavillon est fermé, nous travaillerons surtout sous le regard des personnes qui s’occupent du ménage, de la maintenance ou autres, et qui ne sont pas forcément le public cible de l’exposition.

RP : How to Host a Ghost est un projet artistique axé sur le processus, non le résultat. Il questionne l'ambiguïté du choix de la présence artistique dans le contexte de l'Expo en se faisant pilier d'une expérimentation rigoureuse, critique et introspective. Les expérimentations artistiques mentionnées par Simone serviront plus à faire avancer nos questionnements qu’à satisfaire un public. Dans ce sens, nous approchons l’Exposition comme une sorte de bootcamp plutôt que comme plateforme de visibilité.

Photo prise lors d’une réunion en visioconférence avec les artistes performeuses. De gauche à droite et de haut en bas : Renelde Pierlot (Luxembourg), Simone Mousset (Luxembourg), Alka Nauman (Pologne), Anna Khlestkina (Russie), Tara Fatehi (Iran), Valerie Reding (Suisse), Catherine Elsen (Luxembourg) et Malika Fankha (Autriche) © Renelde Pierlot

De gauche à droite et de haut en bas : Renelde Pierlot (Luxembourg), Simone Mousset (Luxembourg), Alka Nauman (Pologne), Anna Khlestkina (Russie), Tara Fatehi (Iran), Valerie Reding (Suisse), Catherine Elsen (Luxembourg) et Malika Fankha (Autriche) © Renelde Pierlot

Vous avez choisi des artistes féminines issues de différents pays, pourquoi ne pas vous être cantonnées à des artistes du Luxembourg ?

Nous n’avions pas envie d'inscrire notre contribution dans l’aspect compétition des nations très présent à l'Exposition universelle, ainsi nous avons choisi de travailler avec des artistes venant d'horizons et d'endroits différents dans le monde, en orbite autour des possibles chemins reliant Luxembourg et Dubaï.

Bio express

Née en 1988, Simone Mousset est une danseuse et chorégraphe luxembourgeoise qui marque par sa singularité et son approche originale à la danse. Elle vit et travaille entre le Luxembourg, la France et l’Angleterre. De 2007 à 2012, elle a fait ses études à Londres, d’abord au Trinity Laban, puis à la Royal Academy of Dance et enfin à la London Contemporary Dance School. Elle travaille aujourd’hui en tant que chorégraphe indépendante et possède, depuis 2018, sa propre structure de production Simone Mousset Projects, conventionnée par le ministère de la Culture. Lauréate en 2017 du Lëtzebuerger Danzpräis, Simone est artiste associée à The Place à Londres et au Escher Theater à Luxembourg.

Renelde Pierlot, diplômée du Conservatoire Royal de Liège en 2011, est comédienne et metteuse en scène. Elle collabore dans des spectacles en Allemagne, Belgique, France et au Luxembourg. Désireuse de créer ses propres spectacles et de défendre son univers artistique, Renelde Pierlot a co-fondé deux compagnies Les FreReBri(des) au Luxembourg et Cie Josephine Ochsenblut en Belgique avec lesquelles elle co-écrit et met en scène respectivement Cuisse de nymphe émues, le diptyque Famille(s) ainsi que Robert(s). Elle crée et met en scène le triptyque Voir la feuille à l’envers ainsi que le spectacle Let Me Die Before I Wake en collaboration avec Lucilin aux Théâtres de la ville de Luxembourg et Pas un pour me dire merci au Théâtre d’Esch.