TURNUP TUN - Realtalk

26 juin. 2023
TURNUP TUN - Realtalk

Turnup Tun, Realtalk, © Steven Marques Da Silva
Article en Français
Auteur : Godefroy Gordet

Plongé dans un marasme amoureux ces dernières années, Tun Tonnar a.k.a. Turnup Tun a trouvé l’inspir dans ses remous personnels pour livrer un nouveau disque très bien produit, et narrativement construit comme « une conversation sincère », comme son nom l’indique. Fils du célèbre Serge Tonnar, Turnup Tun baigne depuis tout petit dans la musique, déclinant un univers artistique par ce biais, notamment via le collectif Stayfou. Depuis 2018, et la sortie de son premier album Frësche Wand, Tun connaît un parcours musical très intéressant… De retour en avril dernier avec Realtalk, un cinquième album, cinq ans après son premier disque Frësche Wand, Turnup Tun livre là son album le plus personnel et sûrement le plus mature jusqu'alors.

Cover de l'album 'Realtalk', © Turnup Tun
Cover de l'album 'Realtalk', 2023, © Turnup Tun

Au regard de ce que tu considères comme les grandes étapes de ton parcours, peux-tu brièvement nous raconter ton histoire en tant que musicien ?

La musique est omniprésente dans ma vie depuis que je peux penser. L’origine de ma passion pour la musique se trouve certainement dans mon enfance. À la maison, il y avait beaucoup d’instruments avec lesquels je pouvais expérimenter. Mes parents m’amenaient voir des concerts… Nous écoutions de la musique tous les jours, des groupes tels que ACDC, les Beatles, Radiohead, Arno, Jacques Brel, MC Solaar, Die Fantastischen Vier, Moby… Nous avons reçu une socialisation musicale très vaste et très variée. 

À l’âge de 6 ou 7 ans, j’ai commencé à prendre des cours de piano à la CAVEM à Ettelbruck. Je n’étais pas vraiment un bon élève, comme je ne pratiquais pas assez souvent et je détestais lire les notes. Jusqu’à mes 13 ou 14 ans, la musique est devenue moins importante, je préférais lire, dessiner ou jouer aux jeux vidéo. 

À 13 ans on m’a offert une guitare basse, et à 14 ans, j’ai commencé à jouer la guitare. Cet instrument me passionnait plus que le piano et pendant deux ans j’ai appris à jouer la guitare à l’aide de tutoriaux YouTube, avant de prendre des cours. En 2009 j’ai commencé à jouer la guitare électrique et à chanter dans le groupe de punk/rock « Impact Hour ». Nous avons fait nos premiers pas sur scènes, pour jouer dans des festivals tels que le Food For Your Senses, la Fête de la Musique de Dudelange ou le Rock um Knuedler, outre le fait qu’on avait remporté des prix au Screaming Fields Festival pendant deux années consécutives. 

Après la dissolution du groupe en 2014, j’ai commencé à faire de la musique pour moi. Je me suis mis à produire et faire du rap dans ma chambre. Pendant cette période, j’ai beaucoup travaillé avec Tommek et grâce à lui, j’ai fait la connaissance de Skinny J. Entre 2015 et 2016, pendant qu’on travaillait sur Räpzodi, un projet de hip hop acoustique produit par mon père, Skinny J et moi-même avons commencé à écrire des sons rap un peu plus modernes et « trappy ». Pendant deux ans, on a travaillé beaucoup de sons avant de sortir notre premier single Grand-Duc en 2017. Ça a été tout de suite un buzz. Je savais exactement comment promouvoir nos sons. J’ai réalisé et édité presque toutes nos vidéos. J’ai envoyé nos sons à des DJ locaux et notamment grâce à DJ DEE, notre single Cuba Libre est devenu un hit dans les boites de nuit luxembourgeoises. 

Une autre étape très importante pour mon parcours musical a été mes études à l’Abbey Road Institute de Berlin, une école de musique spécialisée dans la production et fondée à Londres par le fameux Abbey Road Studio. Pendant mes études à Berlin, j’ai pu faire beaucoup de rencontres sur la scène musicale berlinoise, et dès lors je retourne à Berlin régulièrement pour produire des sons avec une multitude d’artistes.

Le 28 avril dernier, tu sors Realtalk un cinquième album, cinq ans après ton premier disque Frësche Wand. La force de ta musique au fil des années s’est constituée par la présence autour de toi d’un groupe de musiciens et artistes fidèles. Je pense notamment à Skinny J, présent à tes côtés depuis toujours, mais aussi à d’autres noms tels que Tommek, Skuto, ou sur ce dernier album des artistes tels que CHAILD ou Isaiah Wilson… En quoi cet esprit collectif est important pour toi dans la construction de ton/tes projet/-s musical ?

Au début de ma carrière dans le rap, j’ai préféré travailler seul. Je voulais être capable de produire, enregistrer, mixer, masteriser, promouvoir et sortir une chanson, sans l’aide de personne. Aujourd’hui, j’adore être entouré quand je suis en studio. Le retour de ceux qui m’entourent m’aide beaucoup à rester créatif, à tenter de nouvelles choses et à explorer des idées que je n’aurais pas forcément eu de moi-même. J’aime toujours travailler seul, mais la plupart du temps je travaille avec d’autres artistes, songwriters et producteurs. J’aime aussi être entouré d’amis qui ne font pas de la musique, parce qu’ils m’apportent un feedback très important et beaucoup plus général que les musiciens. Un musicien, par exemple, te dirait de changer cet accord ou cette mélodie… Une personne qui n’est pas du milieu aura une autre écoute, un feedback qu’on ne peut pas négliger en tant que musicien, si l’on veut faire de la musique pour tout le monde…

Avec Realtalk tu proposes un album que tu décrits comme « extrêmement honnête et sans compromis, dans lequel j'aborde des sujets qui m'empêchent de dormir la nuit ». Ces sujets, quels-sont-ils et où t’ont-ils amené narrativement ?

Ce qui m’empêche de dormir la nuit, c’est dans la plupart des cas un chagrin d’amour, mais aussi les doutes sur soi-même, le « self-respect/self-love », mais aussi mon image publique, comment les gens me perçoivent. Depuis toujours, je ne cherche rien de plus que l’approbation d’autrui, des filles, de mes amis, de mes parents, ma famille, le public, des autres artistes, de la scène de rap, des stations de radio et des médias… Cette quête de reconnaissance se reflète dans ma vie privée, mais aussi dans ma carrière musicale. J’ai l’impression d’avoir dû bosser beaucoup plus que les autres pour obtenir cette approbation. Cet album, je l’ai fait différemment. Je ne me suis pas posé de question, j’ai simplement fait de la musique pour moi-même, un album que j’aime écouter personnellement. Je crois que le fait que je ne recherche plus cette approbation m’a donné plus de liberté et m’a permis de vraiment m’exprimer sur cet album.

L’écriture de cet album trouve pour marqueur ta rupture avec ton ex-petite amie, après près de neuf années de relation. Un événement survenu en 2021 et suite à quoi tu as pu te concentrer sur toi-même, ta musique et tes propres choix artistiques. Rythmé par un nouvel épisode amoureux qui aura fait naître les titres Nach e Kuss et Camouflage, sources de cet album plein de sincérité et de sensibilité. Les chagrins d’amour inspirent les poètes depuis la nuit des temps. La douleur amoureuse provoque une sorte de sublimation de celle-ci chez les artistes, pour trouver une forme d’échappatoire à ce sentiment de souffrance. Qu’as-tu pu extirper de toi-même par ce nouvel album ?

Je crois que cet album a été une sorte de thérapie pour moi. J’ai écrit les chansons d’amour comme Stratosphär ou Mamacita, quand je suis tombé amoureux et les chansons de chagrin, quelques mois plus tard, quand je me suis rendu compte que je ne pensais qu’à elle, même des mois plus tard. Après avoir écrit Nach e Kuss, j’ai vraiment remarqué que je commençais à redevenir moi-même et peu à peu, le chagrin a fait place à une sorte de fierté. J’ai vécu, j’ai fait des expériences. Est-ce que ça m’a fait du mal ? Oui beaucoup même, mais j’étais quand même fier d’avoir pu surmonter mon chagrin. On me demande souvent si ces chansons ne me rendent pas triste quand je les écoute aujourd’hui, mais ce n’est pas le cas. Aujourd’hui ces chansons me donnent beaucoup de force. Elles montrent où j’étais à l’époque et où je suis maintenant. Je ne sais pas si ma musique m’a laissé échapper aux sentiments de souffrance, je dirais plutôt qu’elle m’a permis de confronter mon chagrin, la peur et toute cette négativité qui était en moi et de créer quelque chose de positif. Et je crois que mon album a aussi eu cet effet sur d’autres personnes, comme tant de fans m’ont dit ou écrit que mes chansons les ont aidés pendant leur chagrin d’amour.

Dans Realtalk, tout commence par le fait de tomber amoureux avec le premier track Stratosphere. Et puis, tu clôtures l’album par un titre de 6 minutes 44, dans lequel tu abordes d’autres thèmes et sujets qui te sont chers, comme la confiance en soi ou le poids. Dans cet album tu te racontes, en quelque sorte. Dans ce sens, considères-tu ce nouveau projet comme une étape dans ton parcours musical ?

Oui, c’est certainement une étape dans mon parcours musical. C’est la première fois que je m’ouvre d’une telle façon. On peut vraiment dire que cet album a été écrit par Tun Tonnar, plutôt que Turnup Tun. Je me suis rendu vulnérable à tel point qu’il y a assez de rappeurs/haters qui pourraient utiliser ce que je dis contre moi. Mais ça m’est égal. Je ne peux plus faire de la musique comme si de rien était. Je crois que les raisons de ce changement, dans ma façon d’écrire des chansons, sont certainement liées à la rupture avec mon ex, mais aussi à la crise Covid. Un temps qui m’a permis de réfléchir et de me remettre en question. Ce ne veut pas dire que je n’étais pas honnête dans mes sons avant 2020, mais simplement que les thématiques sont devenues plus personnelles…

Realtalk est sorti le 28 avril dernier pour livrer onze titres sélectionnés parmi une vingtaine d’écrits ces deux dernières années. Tu expliques que le reste des chansons feront l’objet d’un nouvel album, prévu en release le 3 novembre 2023. Pourrais-tu nous décrire thématiquement et stylistiquement ce prochain disque et en quoi il se lie à Realtalk ?

Le prochain album est en quelque sorte la suite logique de Realtalk. Je dirais qu’il rejoint beaucoup d’idées déjà traitées dans Realtalk, or il diffère au niveau musical. Le prochain album est stylistiquement plus vaste que Realtalk. De plus, je vais aborder des thèmes sur cet album que je n’ai toujours pas vraiment osé traiter dans mes chansons, comme par exemple ma dépendance à mon téléphone, aux réseaux sociaux et à l’Internet. Sur cet album, j’ai aussi collaboré avec d’autres artistes et producteurs et je crois que les personnes, qui ont aimé Realtalk, vont absolument adorer ce prochain album.

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