Poetry Slam de Lux’ - Camal Tahireddine

30 mar. 2023
Poetry Slam de Lux’ - Camal Tahireddine

Article en Français
Auteur: Loïc Millot

En partenariat avec Prabbeli Wiltz et Géisskan Kollektiv, l’institut Pierre Werner met à l’honneur la tchatche, en vers ou en prose, que l’on pourra écouter avec attention lors du Poetry Slam de Lux ce vendredi 31 mars (20h) aux Rotondes. A travers une sélection de slameurs luxembourgeois et d’autres venus de pays européens (France, Autriche, Suisse, Allemagne), le slam sera décliné sous toutes ses formes lors de cette treizième édition. Entretien avec Camal Tahireddine, jeune slameur âgé de 21 ans originaire de Rumelange, dont c’est la première sélection au sein de la manifestation luxembourgeoise. Celui qui s’est initié au slam en 2021 y expose son rapport à l’écriture, à la langue, au rythme, pour nous livrer enfin un extrait tiré de ses créations. Retour sur l’un des slameurs en lice pour cette compétition européenne.

Le slam est généralement apparenté à la culture urbaine du hip-hop, du rap, mais qu’est-ce qui le distingue au juste de ces autres formes d’expression ?

Il n’y a pas, je crois, de définition stricte du slam ; j’en donnerai donc une définition personnelle, particulière ; c’est, pour moi, un rythme parlé, soit un juste milieu entre le fait de retranscrire un message en mots et la façon dont ces mots sont ensuite présentés au public. On peut bien sûr lire du slam dans un livre, mais ce n’est que la moitié du travail. Car il importe que le slameur puisse présenter son texte devant un public et de montrer les nuances qu’il veut transmettre dans son message. Des nuances qui transparaissent justement en oralisant le texte.

Camal Tahireddine

L’oralité joue donc un rôle très important dans le slam : le texte est toujours traduit verbalement, et à travers une expérience en public, c’est bien cela ?

Oui, tout à fait. Ce sont des éléments indispensables du slam.

Y a-t-il toujours versification dans le slam ou peut-il y a voir une écriture plus libre, sans rimes ?

Non… en tout cas pour le vers classique, tel qu’on le connait en poésie classique, pas forcément. En tout cas il y a une structure qui peut être assez fluide ; je crois que c’est surtout un rythme qui peut être très varié, voire désorganisé en apparence pour quelqu’un qui n’en est pas familier, mais avec toujours un fondement de rythme derrière.

Qu’est-ce qui vous fait vibrer dans le slam et comment l’avez-vous découvert ?

J’ai fait de la musique depuis mes quatre ans : du violon, du piano et de la guitare, puis je me suis mis à lire, puis à écrire de la poésie sous l’influence de mes lectures, elles aussi très classiques, puisqu’il s’agissait notamment de Victor Hugo. Quand j’ai eu 18-19 ans, j’ai commencé à écouter du slam, à être invité à des événements où l’on me demandait de lire mes poèmes à ces occasions. Quand j’ai commencé à comprendre ce qu’était le slam par rapport à la poésie, je me suis dit que c’était extraordinaire car je pouvais en effet faire fusionner mes deux passions dans le slam : la musique et la poésie. Me présenter à un public ne m’a jamais vraiment gêné et maintenant j’ai adopté une nouvelle façon de le faire, et cela me donne de l’adrénaline lorsque je le fais.

Comment avez-vous découvert le slam ?

Je l’ai découvert à travers des vidéos, en particulier via le travail de Grand Corps Malade. Cela a attisé ma curiosité et par l’intermédiaire du groupe luxembourgeois Géisskan, qui cherchait de jeunes talents à travers les événements que ce collectif organise, j’ai été introduit dans l’univers, si vaste, du slam. Pendant l’épidémie de COVID, en 2021, l’un de ces événements s’était déroulé au MUDAM, le Musée d’art contemporain du Luxembourg. C’est la première fois que j’y lisais mon texte. J’étais un peu déçu tout d’abord de cette expérience, parce que à cause des masques, le lien avec le public paraissait distant et froid. Je me demandais si le public avait compris ce que je voulais dire, je m’interrogeais aussi quant à sa réaction puisque les masques cachaient aussi les expressions des visages… Pas facile de débuter dans ces conditions… Mais l’un des organisateurs m’a rassuré sur ces aspects ; j’ai donc poursuivi, persévéré, puis les interactions avec le public se sont améliorées.

Y a-t-il une communauté de valeurs partagées par les slameurs ou slameuses ?

Surement. Il y a définitivement le respect de l’art, de la liberté d’expression, le respect des textes des uns et des autres. On peut aussi parler de tout : il n’y a pas, que je sache, de tabou dans le slam. On peut aussi se critiquer sans que l’autre pense que l’on soit jaloux de son travail. Il y a vraiment une ouverture d’esprit qui fait du bien dans le slam !

C’est la langue française que vous avez choisie pour slamer, pour quelle raison ?

En ce qui concerne la langue française, je pense que c’est la langue la plus malléable et la plus souple pour façonner le rythme que je souhaite insuffler. A mon avis, c’est la langue la plus mélodieuse mais aussi, et surtout, celle que je maîtrise le plus.

Est-il possible d’entendre s’il vous plaît un extrait issu de votre production ?

Bien sûr. Voici ce que je peux vous proposer par exemple : 

Je mentais, je mens je mentirai. Je m’en tirais toujours d’affaire,

Y’a rien à y faire. C’est idiot, mais il me le faut. Toujours plus, un opus de fiction

Pour nourrir mon addiction, sans restriction je mens avec conviction, détails dans

Les descriptions, un tel travail d’imagination dans l’illusion. La décision d’avouer

Ce tort me tord l’esprit. Mépris et incompris, je suis conquis par le conflit entre

Vanité et vérité.

Comment procédez-vous pour l’écriture de vos textes et quelles sont vos sources d’inspiration ?

Je me suis beaucoup demandé quelles étaient mes sources d’inspiration. Je n’aime pas trop retravailler mes textes, donc la première version est la bonne, même si celle-ci peut prendre des mois parfois avant d’être finalisée… Je ne continue pas mes textes tant que je ne suis pas certain que le texte que j’écris soit bon. Quant à mes inspirations, après de longues réflexions à ce sujet, cela vient absolument de tout ce qui m’entoure et de tout ce qui me constitue : de la musique, des livres, des séries que je visionne, des discussions que je peux avoir avec des amis ou d’instants au cours desquels je rêvasse aussi…

Avez-vous des sujets de prédilection ?

Oui. Je n’osais jamais auparavant divulguer des choses très personnelles. C’est au moment de l’écriture que cela est venu et alors je me suis forcé à le faire : cela m’a beaucoup aidé quant à mes choix, mes opinions, etc.

Quel est le lieu où vous répétez ? Est-ce, dans votre cas, une activité solitaire ou collective ?

C’est chez moi le plus souvent que je travaille. L’écriture est une activité pour moi très solitaire ; je n’aime pas lorsque quelqu’un interfère dans le moment d’écriture. Une fois que j’ai mon texte, et que j’ai besoin de réviser ce que j’ai écrit, je le fais devant ma famille, mes frères et sœurs, ou encore mon grand-père, qui sont donc mon premier public.

Connaissez-vous les autres slameurs et slameuses luxembourgeois et européens qui participeront à cette manifestation à vos côtés ?

Oui, bien sûr, tout au moins pour le Grand-Duché. Ce sont pour la plupart des membres du collectif Géisskan ; je les retrouverai à la manifestation ce vendredi ; il s’agit par exemple de Nicolas Calmes et Cosimo Suglia, qui ont tous deux une pratique du slam antérieure à la mienne. Je les ai rencontrés au MUDAM en l’occurrence ; ils m’ont montré comment faire les choses mais aussi ce qu’il faut faire et ce qu’il ne fallait pas faire sur scène. Ils m’ont donné beaucoup de conseils pour que je m’améliore.

Poetry Slam de Lux’13, vendredi 31 mars à 20h à la Rotonde (Luxembourg)

En partenariat avec Prabbeli Wiltz, Géisskan Kollektiv, l’institut Pierre Werner et les Rotondes, avec le soutien de l’Ambassade d’Autriche, l’Ambassade de Belgique et Wallonie-Bruxelles International.be

Manifestation à partir de 16 ans. En langues française et allemande.

https://www.rotondes.lu/fr/agenda/poetry-slam-de-lux-13

 

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