Interview Frédéric Zeimet

15 sep. 2022
Interview Frédéric Zeimet

Article en Français
Auteur: Pablo Chimienti

W. la web-série luxembourgeoise est de retour cette semaine pour une deuxième saison de huit épisodes. Catherine Elsen reprend son rôle de jeune femme atteinte de syndrome d’Asperger, qui a perdu la mémoire et ne la retrouve par bribes au fur et à mesure. La première saison a reçu de nombreux prix internationaux et été vue par près de 100.000 spectateurs. Interview avec son scénariste et réalisateur, Frédéric Zeimet.

W. est sortie en janvier 2020. Un peu plus de deux ans et demi après, voici une deuxième saison. Tout n’était pas dit sur la vie de W. ?

Frédéric Zeimet : Tout à fait ! J’avais envie de continuer un peu à explorer son univers. Quand on a lancé le projet on ne savait vraiment pas à quoi s’attendre, ni au niveau du résultat, ni sa perception ou acceptation de la part du public ; mais une fois qu’il est sorti, toute l’équipe était assez euphorique du résultat et on s’était tous dit : « faut qu’on se retrouve ! » Du coup, on s’est vraiment retrouvés pour faire la suite.

D’autant plus que la première saison se termine avec un cliffhanger. Le personnage principal redécouvre qu’elle a une famille, à priori disparue et qui a besoin d’elle. Une suite était donc prévue…

C’est clair que j’avais envie d’aller plus loin. Mais il y avait tellement de choses qu’on ne savait pas… Cette série était un peu un laboratoire d’envies, d’intentions… On en rigolait sur le plateau du premier tournage, mais personne n’était vraiment sûr de ce que ça allait donner.

Pourquoi ?

Parce que c’était tout nouveau ; faire de la fiction luxembourgeoise en 5 à 10 minutes, pour le web, avec de la musique pop, des acteurs pas très expérimentés devant la caméra, et puis moi, qui était quasiment un primo-réalisateur et primo-producteur sur le projet. Il y avait beaucoup d’envie, mais aucune certitude. J’ai donc vécu ça, en me disant : « si ça se passe bien, on fera une suite » mais aussi que si les gens n’aimaient pas on aurait au moins fait un truc complet avec une enquête qui se concluait à la fin et juste une petite porte ouverte sur l’histoire personnelle de W. pour une suite possible.

« Très vite W. a fait le tour du monde »

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Beaucoup de doutes et pourtant de nombreux prix internationaux et près de 100.000 vues sur les différentes plateformes internet. Sacré succès…

… 100.000 vues qui dépassent la minute, donc de gens qui ont vraiment regardé, pas juste cliqué dessus par erreur. Sinon, c’était encore plus. Mais bref. Ça a été une sacrée surprise, les vues, comme les récompenses internationales. Je contactais les gens en leur demandant si une web-série luxembourgeoise pouvait les intéresser, pensant, comme on est des inconnus, qu’on allait me rire au nez ; mais pas du tout. Très vite W. a fait le tour du monde. J’ai encore un peu de mal à y croire. Même chose pour les vues. Un bestseller au niveau de l’édition, au Luxembourg, c’est un livre qui se vend entre 500 et 2.000 exemplaires. Je ciblais donc entre 500 et 2.000 vues par épisode, peut-être un tout petit peu plus avec l’international. On a donc été très, très, très surpris d’approcher les 100.000.

Le récit met en scène une femme atteinte de syndrome d’Asperger. Pourquoi cette spécificité ? Vous teniez absolument à faire quelque chose sur l’autisme.

C’est une spécificité qui marche assez bien en fiction parce qu’un personnage à la fois hyper-capable sur certaines choses et presque incapables pour d’autres est très intéressant. En ce qui me concerne, je voulais le traiter de manière à la fois ludique et pédagogique. Et je voulais le faire à travers un prisme féminin, parce que pendant mes recherches sur l’autisme, je me suis rendu compte que l’aspect féminin de ce handicap est rarement traité. Je ne voulais pas prendre le sujet à la légère, c’est aussi pour ça que j’ai travaillé avec autisme.lu, tout en étant dans l’entertainment. Je traite donc de sa situation de W., mais ça reste avant tout une enquête policière avec un crime à résoudre.

Après 6 épisodes de 6 à 10 minutes pour la saison un, voici 8 nouveaux épisodes de 6 à 12 minutes. Il y en a donc plus et c’est plus long, avec plus de décors et de personnages. C’est une évolution positive.

Oui… bon, l’ADN de la série reste le même, avec malgré tout peu de décors, 6 au lieu de 4, peu de personnages, 4 au lieu de 3, etc. C’est plus, mais ce n’est pas exponentiel non plus. Mais oui, l’idée était de pouvoir développer un peu plus l’univers tout en restant dans les limites imposées par un budget très serré. Donc oui, il y a plus, c’est plus long et c’est clairement plus ambitieux, mais c’est toujours au service de ce qu’on voulait raconter.

Justement, que vouliez-vous raconter cette fois-ci ?

J’ai commencé à écrire cette nouvelle saison avant la pandémie, le COVID, le confinement, etc. La thématique générale de la série est la perte de repères ; Tout a commencé avec une personne qui ne connaît pas son identité, qui a perdu la mémoire et on voit comment elle parvient à se reconstruire. J’ai voulu aller plus loin dans cette réflexion-là. Mais je ne voulais pas que W. soit la seule touchée par ça, je voulais que tout le monde soit plus ou moins touché. Au fur et à mesure de l’écriture, ce qu’on a vécu ces dernières années a nourri l’écriture : la pandémie, les raisonnement complotistes, tout ce que le COVID et le confinement ont entrainé comme réflexion, sociétal, politique, etc. Pendant cette période, à un moment ou un autre, on a tous perdu nos repères. C’est donc devenu la thématique générale de cette deuxième saison.

« On a prévu cette saison comme un tout qui se clôture au dernier épisode »

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Le premier épisode est sorti ce jeudi 15 septembre. Qu’en est-il pour la suite ? Où et à quel rythme pourra-t-on découvrir les épisodes suivants ?

On va faire comme pour la première saison ; les épisodes seront publiés en même temps sur Facebook, Instagram et YouTube, avec les différents sous-titrages en français, anglais et luxembourgeois. Viméo viendra s’ajouter aussi à fur et à mesure et puis RTL va diffuser également les épisodes, mais un peu plus tard. En ce qui concerne le rythme, on fera comme pour la saison un : le premier épisode c’est ce jeudi, et puis, on verra un peu selon les épisodes et les demandes du public. Les deux prochains épisodes seront disponibles la semaine prochaine, c’est clair, mais je ne sais pas si ce sera lundi et jeudi, mardi et vendredi ou autre. En tout cas, avec les 8 épisodes, je pense qu’on tiendra 4 semaines, jusqu’à la mi-octobre quoi.

Dans le dossier de presse il est écrit « Est-ce que W. mérite de revenir pour un nouveau chapitre ? Ce sera au public d’en décider. » La saison 3 est incertaine ?

Là encore, on a prévu cette saison comme un tout qui se clôture au dernier épisode. Après, comme on me l’a déjà fait remarquer lors de l’avant-première, il reste encore des points en suspens. On ne termine donc pas sur un cliffhanger comme lors de la première saison, mais on verra bien. On a envie de continuer, mais on sait qu’on n’aura pas plus de budget – on avait 30.000 euros pour la première saison, 165.000 cette fois-ci –, ce qui veut dire que, si on repart pour une troisième saison, on s’engagerait une nouvelle fois dans quelque chose de très serré au niveau du timing – on a tourné 12 minutes de fiction par jour, c’est énorme. On sait que ce sera une nouvelle fois du travail intense, qu’on va devoir courir dans tous les sens, faire des compromis tout en sachant qu’on ne pourra ni faire plus grand, ni plus impressionnant. Du coup, si toute l’équipe est d’accord pour repartir là-dedans, pourquoi pas, mais à condition que les spectateurs le veuillent aussi. On revient deux ans et demi après, est-ce qu’ils sont vraiment prêts à nous suivre une nouvelle fois ? Pour l’instant on en sait rien.

Quel est le business model d’une web-série telle que W. ? Il n’y a pas de coproducteurs télé, pas de vente de tickets en salle, pas de pub… Comment ça marche ?

Il y a plusieurs business model à l’international, mais en ce qui nous concerne, c’est à fond perdu. C’est un produit culturel, un projet soutenu par le Film Fund, donc par l’État luxembourgeois, sans volonté de retour sur investissement direct. L’essentiel est de produire de la fiction, de fédérer les gens, de créer quelque chose particulier et d’explorer de nouvelles pistes de narration, de diffusion, etc. Après, s’il y a une possibilité de vendre la série à l’étranger, on le fera, mais ça ne suffira jamais à récupérer vraiment les sommes investies.

Liens utiles:

https://www.facebook.com/luxwebserie
https://www.youtube.com/c/Wwebserie

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