Maz, tête d’affiche de la jeune génération du rap grand-ducal, revient dans les bacs avec un nouvel EP : Upside Down. Quatre titres ultra-speed aussi pleins de révolte que de poésie avec des sonorités certes rap, mais tendance métal.

C’est en 2017 que les amateurs luxembourgeois de musiques actuelles ont commencé à entendre parler de Maz. Encore lycéen, le jeune Thomas signe alors un Grand Chelem au Screaming Fields festival de la Rockhal en emportant le prix du meilleur live, quatre Bookers Choice et le Song Contest. Une belle entrée en matière. Pendant ce même été, l’adolescent s’enferme deux mois pour écrire. Le résultat sortira en mars de l’année suivante. C’est Immortalisation, un album 15-titres, ultra-dynamique, intense, dense, qui emporte tout sur son passage. Un EP, Sleepwalker, sortira en 2019, avec toujours la même fougue, un phrasé déjà reconnaissable et des textes d’une étrange maturité pour un adolescent. 

Maz, Upside Down, 2022

Si Maz ne dénigre pas l’égo trip, il laisse immédiatement de côté le rap commercial ou faussement gangsta à la mode pour se positionner du côté d’un rap plus proche de celui des pionniers, entre hardcore et social. Avec d’entrée un aspect introspectif. Maz parle beaucoup de lui, mais pas pour se la raconter, au contraire, pour se raconter, pour parler de ses sentiments, de ses craintes…

Une introspection encore plus présente dans ce nouvel EP qui porte bien son titre : Upside Down. Il s’explique : « Je pense que je ne suis plus à l’envers, mais je l’ai pas mal été pendant les deux dernières années, principalement au début de la pandémie ; pas nécessairement à cause de la pandémie… enfin, peut-être un peu. Disons que de fin 2019 à début 2021, j’étais dans un état mental très bizarre. Je n’allais vraiment pas bien. On dit souvent que le monde est à l’envers, mais sur ce coup j’ai senti que c’était moi qui étais à l’envers par rapport au monde. J’avais l’impression d’être un extraterrestre ; je me sentais perdu ou comme quelqu’un qui ne s’était encore jamais vraiment trouvé. C’est ce que j’ai voulu décrire dans cet EP ».

Dans la chanson titre de l’album, on entend: « Fell out of the bubble I couldn't see clear / with the smoke and the lies all around / Oh let's see how many more souls we can free as they burst, I will count », ou encore : « Got the blood in my brain and my arms hanging / fuck anxiety /I hear it on the doors banging / while sobriety is watching close / fuck society for telling me my goals are daring » tandis que le refrain insiste : «They ask me if I'm down / I say, "no, I'm upside down" ». Il y est question d’arme, de masque, de relations toxiques… Maz y va cash, mais propose aussi pas mal de poésie : « Touching the sky means that I just need to touch the ground » rape-t-il, avant d’ajouter : « I am an honest rat / I wrestle with emotions for a living and take everything that I can get / I'm collecting all your hearts and I bathe in them, man I always treat them right before I'm breaking them » ou encore « Give me a sec / let me write a poem / I sharpen the pencil, I choose a trauma and then I will cut you open / I could never use a knife cos I only hurt emotions ». Beau et profond.

La rapeur reprend : « Dans ces chansons, je n’ai pas voulu expliquer les raisons qui faisaient que j’allais mal, mais j’ai voulu décrire l’état dans lequel j’étais. Cet état de tristesse, de frustration et de colère, beaucoup de colère. Contre le monde, contre tout le monde, mais surtout contre moi-même. Et ce sentiment d’être complètement perdu ».

Maz © Martine Pinnel

Good Shit, M.D.P. (Modern Deranged Philosopher) et Over viennent compléter l’EP. Si on peut regretter l’utilisation à l’extrême de l’auto-tune dans la première, la deuxième emmène l’auditeur attentif encore plus loin dans les méandres de la pensée de l’auteur : « I'm 'bout to make any heart stop and I'm / fucking my life up for any price » nous dit-il avant de conclure : « I’m sucking my life up like a / modern deranged philosopher », le tout dans un style encore plus hardcore que les morceaux précédents. Les auditeurs les plus attentifs y décèleront quelques screams plus habituels dans le monde du métal que dans celui du hip hop. Un glissement stylistique qui se poursuit dans le dernier morceau du EP, Over.

« Après Sleepwalker en 2019, je me sentais vraiment vide musicalement et au niveau créatif », note l’auteur. « Je ne voulais pas continuer à faire ce que j’avais fait jusque-là et, du coup, j’ai décidé d’intégrer les influences musicales de ma jeunesse qui étaient principalement du rock, du emo et du métal dans mon rap. Ça donne un style plus rough, qui va très bien avec les thèmes sombres des chansons ».

À 22 ans, après cinq ans seulement de carrière, Maz ne renie pas ses textes ou ses morceaux précédents – « C’était bien pour cette époque-là. C’était cool. Pas mal pour un début » reconnaît-il volontiers –, mais le jeune homme ne se retrouvais plus dans le personnage qu’il s’était fabriqué. « J’ai trop essayé de coller à un style de rap un peu cliché », se reproche-t-il désormais. Il a donc repris sa carrière en main.

Doué, travailleur, gardant la tête sur ses épaules et sachant se remettre en question, Maz fait avec ce Upside Down un pas de plus vers le rêve qu’il s’est fixé, fait de musique et de gloire. Un rêve qu’il a même couché noir sur blanc dans Over : « Young rappin' hopefully soon-to-be rockstar / I'm in my univerze I'll send you a postcard ».

Maz © Martine Pinnel

Si vivre de son art a longtemps semblé un mirage inatteignable pour les musiciens luxembourgeois de musiques actuelles, Maz et quelques autres de sa génération semblent bien décidés à réussir dans le milieu. « Je fais partie d’une vague de jeunes artistes qui ont vraiment envie de se professionnaliser à fond dans la musique et pour l‘instant ça se passe pas mal », reconnait-il. Il poursuit : « Avec la pandémie ça a été super dur, il n’y avait pas de concert, presque aucune possibilité… Mais maintenant que tout est en train de rouvrir, je pense que mal de choses vont se mettre en place. Le projet Maz est clairement prêt pour l’étranger. On est en contact avec des bookers, des labels, des festivals… qui semblent vouloir travailler avec moi ; ça montre bien qu’une professionnalisation est possible ! »

Alors qu’il a déjà été à l’affiche de l’Ancienne Belgique à Bruxelles, du Reeperbahn Festival de Hambourg, du Europavox festival de Clermont-Ferrand ou encore du Printemps de Bourges, Maz voit toujours plus grand. « Il me reste encore tellement de choses à atteindre » lance-il avant d’ajouter : « je suis encore au tout début ». Mais quel début, a-t-on envie d’ajouter.

Upside Down sort ce vendredi 8 avril sur les plateformes digitales habituelles, mais on a beau chercher dans les différents agendas culturels du pays, pas de release party à l’horizon. « Pas tout de suite » nous rassure Maz. « Ça fait des mois qu’on planifie cette sortie et on ne savait pas à l’époque où on en serait avec les restrictions COVID. Mais on est en train de travailler sur une tournée pour les mois de septembre et octobre qui commencerait en Allemagne, passerait par la Scandinavie, l’Autrice, la Belgique… et qui finirait avec un grand show au Luxembourg. Tout n’est pas encore confirmé, mais il y aura bientôt des infos là-dessus. Il y aura donc bien une release party, mais un peu plus tard » assure-t-il. Vivement l’automne !

Et si on interroge Thomas sur ses intentions artistiques, le jeune homme se transforme en maître du teasing : « J’ai décidé de ne plus me prendre la tête au niveau des genres ou des styles. Je vais juste faire tout ce que j’ai envie de faire, tant que ça reste authentique dans le projet Maz. Et je peux dire que ça va partir dans tous les sens ; je ferai toujours du rap, mais aussi des trucs plus rock, plus métal, plus punk et aussi des trucs plus mainstream, comme des ballades. Je suis en train de préparer tout un tas de trucs très différents. Il y aura donc beaucoup de surprises à venir ». Un programme qui devrait continuer à « Mazmériser » sa fan base !

Upside Down EP 4-titres disponible à partir de ce vendredi 8 avril.

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