Image : © Léo Parmentier

Avec Une rose plus rouge, la metteuse en scène luxembourgeoise Christine Muller livre, au TNL, une création enjouée, inspirée des bandes dessinées de Liv Strömquist, une autrice suédoise populaire et féministe.

Cadre minimaliste. Fébrilité sur le plateau avant les premières représentations d’Une rose plus rouge une pièce de théâtre qui interroge les relations amoureuses et, plus particulièrement, le fait de tomber ou non véritablement amoureux. Christine Muller s’est librement inspirée des bandes dessinées de Liv Strömquist, de Futures de Lauren Bastide et de La volonté de changer de la féministe africaine-américaine Bell Hooks. Mais aussi, et pour le mouvement de la pièce, de la poétesse américaine féministe Hilda Doolittle (H.D.). Le canevas de la pièce est né d’une écriture collégiale « en prenant les anecdotes qui semblaient les plus touchantes et les plus pertinentes et en improvisant des scènes sur le plateau ». À travers des portraits de femmes, de l’impératrice Sissi à Nancy Reagan, Christine Muller explore la manière dont les interdits et la toute-puissance du patriarcat – « qui nuit aux hommes comme aux femmes » – ont forgé l’imaginaire amoureux féminin.

Ce qu’aimer veut dire ?

« Peut-on encore aimer aujourd’hui ? C’est un peu plus rare et compliqué que ce que l’on pourrait penser de prime abord. » En filigrane, il est question dans cette pièce de l’avènement de la société de consommation qui a influé sur la manière d’aimer. Une rose plus rouge met ainsi en scène deux femmes, consommatrices d’applications de rencontre, de yoga et de réseaux sociaux qui posent un regard sans concessions sur les rapports de pouvoirs entre hommes et femmes, d’un côté ceux qui prônent l’indépendance, de l’autre les femmes qui désirent que les hommes s’engagent davantage. Les deux comédiennes Sophia Fabian et Cyrielle Rayet donnent vie à ce spectacle plein de charme et d’humour, entre performances, acrobaties et jeu de scène, musique et pop culture, intimité et grande Histoire. Dans une ronde de scénettes, la pièce révèle l’ironie et le « regard parfois un petit peu décalé et clairvoyant sur certaines pratiques du yoga, devenu un outil capitaliste lorsque cette activité est une façon pour les femmes de se conformer plus encore aux injonctions de beauté parfaite que la société leur impose ».

Entre applis de dating et réseaux sociaux, l’infini des possibles égare ces femmes en mal de romantisme. « C’est horrible et extrêmement anxiogène de choisir des gens comme des objets sur des applis de rencontre, précise la metteuse en scène, il y aura toujours une rose plus rouge (une femme) ailleurs à désirer. » Pour être au plus juste dans sa mise en scène, Christine Muller a rencontré des utilisateurs d’applications de rencontre et dit avoir été « impressionnée par la puissance des algorithmes et le tout nouveau vocabulaire né de ce mode de rencontre. Dans le contexte du dating : le “ghosting”, le “cushioning”, le “breadcrumbing”, le “cloaking”, le “benching”, le “hunting”, “zombieing”, on ne sait plus où donner de la tête. Puis il existe aussi une forme de relation intéressante, toute nouvelle, qui s’appelle “situationship”, quand les deux partenaires passent des moments ensemble, ont des relations sexuelles, tissent des liens émotionnels, mais sans forcément officialiser, s’engager ou envisager une relation de longue durée. » La mise en scène ajoute au réalisme absolu une touche d’absurde et chahute profondément le public. La complicité, la solidarité muette de ces femmes amoureuses, ballottées entre le narcissisme extrême de notre époque où « l’autre » ne servirait qu’à confirmer l’ego et l’acceptation de l’altérité, interrogent le spectateur. Mais Une rose plus rouge prône aussi plus de magie dans les rapports amoureux, sans qu’il y ait besoin d’algorithme. 

Dans le cadre du mois de la francophonie. 

Une rose plus rouge est une création mise en scène par Christine Muller avec Sophia Fabian, Cyrielle Rayet et Mélanie Gerber (musique). Prochaines représentations au Théâtre National Luxembourg : les 27.03 et 28.03.2025 à 19:30, le 30.03.2025 à 17 :00, les 05.04 et 06.04.2025, à 17:000.

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