M pour Amnesia

27 juin. 2025
M pour Amnesia
Premier roman primé pour Anne-Marie Reuter

Article en Français
Photo: © Marc Schroeder

Le 30 juin, lors d’une cérémonie officielle, le Prix Servais sera remis à Anne-Marie Reuter, au Centre national de littérature à Mersch, pour son premier roman, M for Amnesia.

Si l’actualité semble parfois flirter avec la dystopie, Anne-Marie Reuter utilise celle-ci pour mieux aiguiser notre perception du présent. Dans M pour Amnesia, l’anticipation littéraire explore les conséquences de certaines recherches et choix scientifiques. Couronné par le Prix Servais, ce premier roman d’Anne-Marie Reuter interroge des sujets longtemps réservés à la science-fiction, confrontant ses personnages à des dilemmes éthiques cruciaux. À travers eux, l’autrice met l’accent sur l’accélération des bouleversements au sein de sociétés dite développées et sur notre difficulté à nous projeter vers l’avenir, comme si, un matin, on pouvait se réveiller au cœur d’une dystopie. 

M pour Amnesia

La dédicace de cette fiction en anglais – « For all the Melissas and Millies out there  » [Pour toutes les Melissa et Millie qui existent] – fait écho aux dilemmes moraux, à la  quête de sens et au sentiment de solitude éprouvés par les personnages, dans un monde en constante évolution. Dès les premières pages, l’héroïne, Melissa, apprend le décès de son père, Marcus Prenderghast, éminent spécialiste en neurosciences. Cette disparition la pousse à remettre en question ses recherches et ses propres choix de vie. Elle devient alors l’infirmière et la confidente d’une femme âgée qui, après des années d’amnésie, retrouve quelques souvenirs épars. 

Au fil du récit, le roman aborde les implications éthiques des avancées scientifiques, en particulier dans le domaine de la neurologie et l’étude des mécanismes de la mémoire, autant d’expériences qui conduisent parfois à des résultats inattendus. Comme Millie, personnage central victime de manipulations, Melissa découvrira des vérités troublantes. Sans concession, Anne-Marie Reuter dénonce les dérives et les effets néfastes de certaines expériences pratiquées autrefois, telles que la lobotomie, utilisée pour traiter les maladies mentales et manipuler les souvenirs des patients. 

Un vortex temporel

La quête d’identité est l’un des thèmes abordés dans M pour Amnesia. Deux voix narratives mettent en évidence la tension entre individualité et connexions avec les autres. Les personnages luttent avec leurs souvenirs, cherchant à cerner leur identité, navigant toujours avec le désir inassouvi de construire un avenir. Pour refléter cette complexité, Anne-Marie Reuter adopte une narration non linéaire. L’autrice explore en effet de nouvelles formes narratives pour saisir la fluidité du temps et la malléabilité des souvenirs, tout en soulignant le rôle fondamental de la langue dans la définition du soi. 

Le roman joue avec un temps fragmenté et nous entraîne dans un vortex mémoriel qui ne cesse de nous étonner. Il entrelace passé, présent et perceptions sensorielles. Ce jeu entre les intermittences temporelles permet au lecteur de vivre simultanément plusieurs temporalités. Il reflète la lutte de chaque instant menée par Millie, qui tente désespérément de rassembler des souvenirs fragmentés. Là où le roman est le plus stimulant, c’est lorsqu’il aborde des réflexions sur la mémoire, présentée à la fois comme un fardeau et une ressource vitale. Les expériences et les souvenirs partagés poussent les personnages vers un avenir différent, loin des influences néfastes de leur passé, même si, comme le souligne la citation de William Faulkner, en exergue du roman : « The past is never dead. It’s not even past » [Le passé n’est jamais mort. Il n’est même pas passé].

M for Amnesia de Anne-Marie Reuter, Black Fountain Press, 2024 © Marc Schroeder

 

Anne-Marie Reuter et Black Fountain Press

En 2017, Anne-Marie Reuter cofonde, avec Jeff ThillLaurent Fels et Nathalie Jacoby, la maison d’édition anglophone Black Fountain Press, qu’elle dirige seule depuis 2019. Elle est membre fondatrice de l’association d’écrivains A: LL Schrëftsteller*innen, créée en 2020. 

https://www.blackfountain.lu/

Le Prix Servais

Distinction importante dans le paysage littéraire luxembourgeois, le Prix Servais est décerné chaque année, depuis 1992, par la Fondation Servais. Il récompense l’œuvre littéraire la plus significative parue au Luxembourg au cours de l’année précédente, indépendamment de la langue dans laquelle elle est écrite.

Auteurs

Isabelle Debuchy

Artistes

Anne-Marie Reuter

Institutions

Le Prix Servais
Centre national de littérature CNL

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