10 jan. 2023Le Fabuleux destin de Josh Island
Josh Island a ce « truc » qui le démarque des autres. En effet, s’il est un bourreau de travail et un incroyable passionné, vivant au rythme unique de sa musique, Island a bel et bien été béni des dieux, ceux-là même qui, dans leur bienfaisance, lui ont accordé une voix, de laquelle émane une amicale chaleur, une douceur sans pareil, un grain qui caresse les oreilles. Derrière, le chanteur a su faire sienne une grande maitrise technique, et ce à tous les niveaux, que ce soit dans l’écriture, l’interprétation ou les arrangements. Guidé par une équipe on ne peut plus expérimentée, « l’européen » – comme il se décrit, lui qui dans son jeune parcours a déjà connu quatre pays d’attache – a gravi les échelons à vitesse grand V. Après deux disques courts, One (2018) et Love Don’t Come Easy (2021), le voilà lauréat du Global Project Grant 2023, un prix très prestigieux et d’une importance capitale dans la poursuite de sa carrière. Une immense opportunité également dans la promotion de son premier album studio, prévu pour septembre 2023. En attendant, Josh Island s’arme de patiente, et dans une sympathique interview, il prend le temps de revenir sur sa jeune carrière et nous conter un brin de ce qu’il espère pour l’avenir qui s’éclaire de plus en plus…
Né en Angleterre, d’origine néerlandaise, tu grandis en Allemagne, pour débuter ta carrière au Luxembourg. Dans quel mesure ta musique se teinte de ce multiculturalisme et cette internationalité sous laquelle tu t’es émancipé en tant que personne et artiste ?
J'ai toujours pensé que la musique avait la capacité d'aller au-delà des frontières géopolitiques, une force du bien qui rassemble les gens. Vivre dans ces différents pays a vraiment façonné mon éducation et ma personnalité et finalement ma musique, car j'ai été en contact avec des gens du monde entier à un jeune âge. Ces pays influencent clairement les chansons et les histoires que je partage. Et j'adore l'Europe et l'Union européenne, quelque chose qui s'est renforcé pendant mes études en « études européennes » à l'université avant de poursuivre la musique à plein temps. C'est un privilège de pouvoir tourner ou enregistrer à l'étranger, c'est vraiment quelque chose que beaucoup de gens tiennent pour acquis.
La musique débute pour toi sous ton nom « Josh Oudendijk », autour d’une personnalité de chanteur et auteur folk, et une chanson composée spécialement pour Céline Dion en 2015 qui fait sensation dans les médias et sur la toile. Au commencement, quels étaient tes rêves ?
Ça a été une histoire amusante ! Céline cherchait des auteurs-compositeurs du monde entier, parmi lesquelles, elle en sélectionnerait quelques-uns pour son album en anglais. Malheureusement, ma chanson, Lighthouse, a été refusée, mais sa direction et son label à New York l'ont écoutée, c’est en fait une histoire mémorable chaque fois que je la joue. Je l'ai sorti en autoproduction et maintenant, je plaisante toujours en disant que Céline ne sait pas ce qu'elle a raté !
Depuis le début, j'ai toujours eu cette envie de partager des histoires et voir les gens passer un bon moment. Jouer une chanson peut vraiment avoir un impact sur la vie d'une personne. Pour être honnête, je ne savais pas encore si c'était quelque chose que je voulais faire professionnellement ou simplement comme un passe-temps. Mais j'adorais être sur scène et divertir les foules. J'ai su rapidement à l'âge de 19 ans que c'était ce que je voulais faire pour le reste de ma vie.
Mais je dois être honnête… Plus jeune, j'ai toujours voulu signer un contrat d'enregistrement, être une star mondiale, tout comme Céline. Ce moment viendra peut-être. Mais en tant que jeune artiste, vous pensez que c'est le seul chemin vers le sommet, sans savoir qu'il existe de nombreuses alternatives. Il faut d'abord travailler dur, par vous-même, avant de pouvoir faire des bons significatifs dans une carrière. Pour moi, en ce moment, il s'agit d'enregistrer de nouvelles chansons, et de les jouer en live, pour développer petit à petit mon public.
Désormais c’est sous le pseudonyme de Josh Island que tu t’installes dans une musique pop-rock, sensible et enjouée, empreinte de tessitures soul-folk. Une identité musicale décrite comme un mélange de Sting, Jamie Cullum, John Mayer, Jason Mraz, Dave Matthews et Damien Rice, ouvrant à un new folk saupoudrée d’arrangement West Coast. Depuis le début de ton projet, comment a évolué ta musique et comment la définirais-tu, ou plutôt la « décrirais-tu » aujourd’hui, au regard de tes expériences, influences et aspirations ?
Je décrirais ma musique comme une pop entraînante d'auteur-compositeur-interprète avec de fortes influences soul et folk. « Entraînant » parce que j'adore jouer avec des riffs et des mélodies qui restent dans la tête ! « Soul » parce que mes titres swinguent, sont groovy et ne rentrent pas vraiment dans la catégorie des chansons pop typiques. Et « folk » parce que mes chansons sont très axées sur la guitare et le fingerpicking – une technique de jeu utilisée à la guitare acoustique notamment –.
Quand j'étais jeune, mes chansons étaient plus folks. En composant mes chansons à la guitare acoustique, je n'ai jamais vraiment pensé aux arrangements et aux autres instruments. C'était juste de la guitare et du chant. Ce n'est que lorsque j'ai commencé à travailler avec des producteurs et d'autres musiciens sur scène que j'ai compris qu'il y avait plus à explorer dans l'écriture de mes chansons, et aussi ce que signifie réellement construire une chanson avec des arrangements. En écrivant de nouvelles chansons, j'ai alors commencé à réfléchir à ce à quoi la batterie pourrait ressembler, s'il pouvait y avoir des cuivres, des lignes de basse, etc. Et cela a influencé ma direction musicale.
Beaucoup d'artistes disent : « Ma musique ne rentre pas dans un genre ». Et ce n'est pas grave, cela peut s'étendre sur plusieurs genres, nous avons tous de multiples influences. Mais à un moment donné, pour trouver son « son », il faut être capable de l'expliquer aux gens, sinon on les embrouille. C'est pourquoi j'adore la musique de Sting, par exemple. Bien sûr, globalement, il fait de la pop et du rock, et c'est ainsi que nous et lui le décrierions probablement, mais si vous écoutez attentivement, il y a des influences de la musique du monde, du jazz, du blues, du folk, du classique, du reggae et d'autres… Je ressens la même chose. Ma musique rassemble un peu de tout, dans le cadre général de la musique pop et soul.
Je dirais définitivement que ma musique a maintenant plus de personnalité. Trouver son « son » est une chose très difficile à faire, car vous n'êtes pas sûr de ce que vous recherchez réellement. Ce mélange de pop intelligente groovy et de ballades crescendo pourrait définir mon son.
Auteur, compositeur, et interprète, ton travail musical se caractérise par ta voix versatile et ton jeu de corde étonnant, à la lumière d’une déclaration de John Butler Trio, « Josh has a great voice and plays guitar impressively well ». Quel est ton processus créatif pour permettre l’association de toutes ces qualités artistiques ?
La musique pour moi consiste à raconter une histoire. Que ce soit à travers les paroles, le jeu de la guitare ou le chant sur scène, je veux que le public se connecte à l'histoire. Je pense que cela joue un grand rôle quand on commence à écrire une chanson. Parfois, une chanson sort de nulle part, d'une mélodie ou d'une idée rythmique lorsque je m’amuse avec ma guitare. Mais s'il y a quelque chose d'excitant que j'entends ou auquel je pense, la chanson peut s'écrire assez rapidement. Je dois admettre que d'autres fois, un couplet ou un concept reste sur mon application d'enregistrement téléphonique pendant plusieurs mois sans aucun progrès… mais ensuite je pense à quelque chose et je me souviens de cette autre chanson que j'ai jouée il y a quelques mois… J'essaie de les mettre ensemble et ça marche. Les chansons sont des choses bizarres ! Il n'y a pas de formule magique.
Il y a cinq ans, tu sors ton premier disque, One, un EP de cinq titres déjà très matures du haut de tes 20 ans à l’époque, et garni d’un titre phare Letter For Eva, une chanson dont les paroles explorent la difficulté d’un amour véritable, construit dans la sincérité. Peux-tu nous expliquer la genèse de cet EP et sa construction narrative infusée de romantisme, de sentiments mêlés et de confessions intimes ?
C'est définitivement un EP très romantique, les sentiments d'amour et de romantisme étaient au cœur de la plupart de mes chansons à l’époque. En tant qu'écrivain, on a tendance à écrire sur les choses auxquelles on est connecté personnellement, ce qui à l'époque était le cas. Il y a eu un processus intéressant derrière ce premier EP : je l'ai enregistré à Paris avec un producteur français dans un studio de Montmartre, en prenant le TGV une fois tous les deux ou trois mois pour travailler quelques jours. En fait, il a fallu trois ans pour sortir One, ce qui a vraiment traîné en longueur – en comparaison, son dernier EP est sorti six mois après l'enregistrement –. Au moment où l'EP est sorti, j'avais déjà écrit de nombreuses nouvelles chansons. Mais prendre le train seul et enregistrer à Paris à 16 ans était vraiment très romantique. J'étais encore en train de me chercher.
Quelques années plus tard, en 2021, tu sors Love Don’t Come Easy, un EP pour lequel tu t’es rendu au Portugal pour travailler avec le producteur Nelson Canoa – prod de Sara Tavares, Carminho, ou encore Rita Guerra –, avec des contributions de membres de The Black Mamba (Eurovision 2021) et du célèbre arrangeur Luis Figueiredo. Dans la conception de ce disque, c’était important pour toi de faire de nouvelles rencontres musicales ?
Travailler avec Nelson Canoa sur cet EP a été une décision qui a changé ma vie. Je cherchais un producteur pour faire passer mes chansons à un niveau supérieur, et grâce à mon batteur Pedro Gonzalez, je suis tombé sur son studio, situé à Torres Vedras, à environ une heure au nord de Lisbonne. Nous avons discuté un peu et je lui ai joué les chansons via Skype. Il a accepté de produire l'EP et je me suis rendu au Portugal en août 2020. Il a invité une formidable équipe de musiciens locaux à enregistrer leurs parties, ce qui m'a ouvert un nouveau monde de professionnalisme et de musicalité. Non seulement ils ont apporté un air frais aux chansons et les ont arrangées avec leurs propres idées. Cela m'a montré que l'industrie de la musique est internationale. En tant qu'artiste luxembourgeois, c'était instructif pour moi d'être dans un si grand studio avec des musiciens de session de haut niveau qui connaissent le métier. Si on veut devenir un artiste international, on doit commencer par travailler à l'international.
Love Don’t Come Easy livre une ambiance intimiste couplée à une énergie très pop qui n’était pas si franche auparavant. Peux-tu nous expliquer ce léger virage ?
Cela faisait partie de mon voyage à la recherche de mon son. Je suis devenu plus confiant en tant qu'auteur et interprète, j'ai moins peur de produire des chansons qui ont une énergie éclectique ou qui sortent plus des sentiers battus. Les chansons étaient plus sobres et en même temps plus folkloriques, maintenant elles ont plus de dynamisme et de brutalité. Il y a un sentiment de maturité qui se reflète dans mes compositions aujourd’hui. Je suis reconnaissant d'avoir pu trouver ce son.
En concert, tu aimes à te connecter aux spectateurs. Des bars luxembourgeois, où tu présentes pour la première fois tes chansons en 2015, à maintenant, après plus de 300 concerts à travers toute l'Europe, de belles premières parties pour notamment James Morrison ou encore les Mighty Oaks, Josh Island en live a clairement changé. Alors, aujourd’hui, sur scène, ça donne quoi ?
J'aime divertir les gens et les mettre à l'aise lors de mes spectacles. Qu'il s'agisse de dix personnes dans un bar à l'époque, ou de mille en ouverture de James Morrison, l'objectif est de rassembler les gens et de leur offrir une expérience magique, dont ils se souviendront. Dorénavant, je joue davantage avec d'autres musiciens, ajoutant de la richesse et de la dynamique à la performance en direct, alors qu'auparavant je jouais souvent en solo. En tant que spectateur, je serais très déçu si l'artiste disait seulement « bonjour » et « merci » et ne partageait pas d'histoires ou d'anecdotes avec le public. En tant qu'artiste, on doit se rappeler que de nombreuses personnes sont venus, ont acheté des billets des mois à l'avance, peut-être parcouru de longues distances, réservé une baby-sitter, invité des amis et veulent être emmenées en voyage. On doit leur donner 200 %. Mais il semble toujours y avoir cette barrière invisible entre l'artiste et la foule. Alors, à ma première chanson je dis tout de suite : « Let's break down this wall ».
Début décembre 2022, le Comité de sélection, composé de Stéphanie Baustert (manager), Florence Martin (United Instruments of Lucilin), Marc Nickts (SACEM) et John Rech (opderschmelz) t’auréole du Global Project Grant Pop/Rock 2023. Décerné annuellement, depuis 2020, le Global Project Grant – sous la houlette de Kultur | lx – soutient et récompense les artistes de tous les champs esthétiques de la musique dans le développement de leur projet. Des retours suite à ta candidature antérieure, tu as finalement construit un plan décrit comme « remarquable et réaliste » pour convaincre cette année le Comité. Pour ta carrière, quels enjeux se dégagent d’un tel prix ?
Ce prix est vraiment une immense opportunité. Cela me permet de promouvoir mon premier album dans les régions où se trouvent la plupart de mes fans, l'Allemagne et le Benelux. Je peux investir plus de ressources financières dans le marketing et la promotion et également couvrir une grande partie des dépenses liées à la présence de plusieurs musiciens en tournée. Je me suis toujours senti très soutenu par le bureau d'exportation et le conseil des arts, mais cette subvention montre spécifiquement qu'ils sont convaincus que le moment est venu de me donner cet élan supplémentaire. Je suis fier du chemin parcouru et j’ai hâte de m’investir dans les étapes et défis passionnants qui sont à venir.
Dernièrement, tu sors les singles Make It et Pennies From Heaven, deux teasers de ton premier LP qui paraîtra en septembre 2023. Une période d’attente, pour un moment que tu décris comme « particulier dans la vie d’un artiste ». Comment s’est construit ce premier album studio dans le fond comme dans la forme ?
Je me sens enfin prêt à sortir mon premier album, une étape majeure dans la carrière d'un artiste, car c'est vraiment le premier album « sérieux » que je sors. Contrairement à de nombreux artistes qui passent des années à écrire, pour ce premier album, la plupart des chansons n'ont été écrites qu'au cours de la dernière année, et les enregistrements se sont déroulés sur trois semaines en février et novembre 2022. Nous sommes maintenant en post-production et en mixage du disque. Pour moi, je trouve ça bien de travailler à ce rythme très productif. Mon éthique de travail est la suivante : écrire de bonnes chansons et les sortir, puis écrire d'autres bonnes chansons…
Les chansons sont définitivement devenues plus matures, à la fois dans la composition et les paroles, et elles ont un « son » particulier qui existe en grande partie grâce au producteur Nelson Canoa et aux musiciens avec lesquels nous travaillons. Ils ont joué un rôle crucial dans la création du son de Josh Island dont je parlais tout à l'heure. Je suis très fier de ce développement. Alors, au lieu de sortir l'album d'un coup en septembre, j'ai déjà sorti deux chansons et j'en sortirai plusieurs autres avant la sortie de l'album. Je pense que découvrir une nouvelle chanson tous les quelques mois est plus facile à appréhender que de sortir toutes les chansons en même temps. L'industrie de la musique numérique est également structurée de telle manière que les sorties fréquentes sont une nécessité pour que les artistes soient ajoutés aux listes de lecture et élargissent leur audience. Alors, attendez-vous à ce que des petits cadeaux tombent en 2023 !
Dans ces deux singles de lancement tu évoques l’idée de tracer son chemin sans se soucier du regard des autres (Make it) et le fait de vivre au présent, en redéfinissant notre rapport au temps (Pennies From Heaven). Comme un symbole, et dans la grande lignée d’un « debut album », signes-tu là un album introspectif ?
Absolument. À chaque chanson que j'écris, je comprends mieux ce que je ressens et ce que je veux dire. Je pense que ce n'était pas aussi présent dans mes anciennes chansons, les rendant un peu plus génériques et superficielles. Il y a des couches plus profondes maintenant. Je suis définitivement devenu plus à l'aise face au fait de ne pas savoir où les choses me mèneront à l'avenir, que ce soit personnellement ou vis-à-vis de ma carrière. Je vis dans le présent. Ces sentiments apparaissent dans les chansons, et j'espère que les gens pourront s'identifier à elles, ou qu’elles aideront à les faire réfléchir sur leurs propres sentiments et émotions.
Pour finir, nous parlions de tes rêves d’antan. In fine, que sont-ils devenus et quels sont-ils aujourd’hui ?
Je suis reconnaissant de pouvoir gagner ma vie en tant que musicien, de parcourir le continent et de raconter mes histoires à un public qui m'écoute. Pour moi, c’est déjà une réussite ! Bien sûr, je rêve d'écrire plus d'albums et de tourner sur de plus grandes scènes… Peut-être un duo avec Céline ? je ne dirais pas non ! J'espère juste pouvoir continuer à faire ça pour le reste de ma vie.
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