Ruth Gallery : art nomade et esprit voyageur

28 oct. 2021
Ruth Gallery : art nomade et esprit voyageur

Article en Français
Auteur: Guylaine Bouquet-Hanus

Ruth Gallery, c’est l’histoire d’une galerie d’art contemporain pas comme les autres, qui a pour ambition de faire découvrir des artistes établis et émergents du continent africain au Luxembourg et au-delà, tout en faisant, en parallèle, sortir l’art des salles d’exposition classiques pour venir à la rencontre de ses clients, et les faire voyager au sein même des entreprises. À sa source, on retrouve Lova Ruth Cohen-Sizyandji, une entrepreneuse quadra fonceuse, imprégnée de la culture camerounaise mais bien ancrée dans le paysage luxembourgeois. Rencontre…

Originaire du monde du droit et de la finance vous avez lancé votre activité de vente et location d’œuvres d’art en 2018. Parlez-nous de ce projet entrepreneurial.

Après plus de quinze années dans l’industrie des fonds d’investissement, j’ai voulu changer d’horizon pour mon épanouissement personnel. La découverte tardive des musées et des galeries d’art a été pour moi une révélation. Je me suis alors fixé l’objectif de vivre de ma nouvelle passion : l’art. Au vu du stress auquel on est exposé dans l’environnement professionnel, j’ai eu envie de ramener un peu de chaleur au sein des entreprises. Après être passée par un programme de transition professionnelle de la Chambre de Commerce et un parcours de coaching au sein d’un incubateur d’idées, le concept « Ruth Gallery » est né, autour du business modèle de la location et de la vente d’œuvres d’art.

Parlez-nous de la location de peintures, sculptures et photographies aux entreprises. Pourquoi ce choix ambitieux de galerie « nomade » ?

L’idée de départ était de minimiser les risques financiers. En tant que jeune pousse, supporter le coût de la location d’un local en ville pour une galerie est, au départ, inenvisageable. En organisant des expositions dans des entreprises, j’ai également trouvé une façon optimale d’y ramener des œuvres et de démocratiser l’accès à l’art, pour le plus grand bonheur des employés. La location, c’est pour moi une autre façon de mettre l’art à la portée de tous, mais c’est aussi une manière pour les entreprises de mettre le pied à l’étrier sans s’enfermer dans des investissements trop conséquents, et surtout sans tomber dans la routine, puisque les collections sont renouvelables.

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Ruth Gallery propose à la vente et à la location une sélection d’œuvres de tableaux et sculptures contemporains. Photo © Henri Goergen

Cela fait maintenant trois ans que vous êtes active dans le domaine de l’art. Quel regard portez-vous sur le marché de l’art au Luxembourg ?

Au vu de sa position dans l’industrie financière en Europe et de son interculturalité, le Luxembourg réunit, à mon sens, toutes les conditions pour devenir un pôle important du marché de l'art, qu’il soit corporel ou digital. Pourtant, j’ai le sentiment que le marché de l’art ici est encore assez « segmenté ». Seules quelques galeries sont connues du grand public et plus visibles. J’ai constaté que si l’on n’est pas présent à la Luxembourg Art Week en novembre, on n’est pas nécessairement considéré comme un véritable galeriste d’art, ce qui pourrait laisser croire que les artistes qu’on représente ne valent pas grand-chose non plus. Bien sûr, c’est mon ressenti personnel. Pour contrebalancer cela, nous avons la chance d’agir au sein d’un pays ouvert sur les autres cultures, qui s’internationalise de plus en plus ; les nouveaux arrivants, les expats, sont ravis de découvrir des artistes émergents d’Afrique ou du Vietnam, que j’affectionne en particulier. Vous savez, le parcours d’un collectionneur, comme d’ailleurs celui d’un artiste, ne débute souvent pas avec des œuvres fortement médiatisées. Depuis 2018, on retrouve de plus en plus d’espaces originaux voire atypiques dédiés à l’art contemporain. C’est un très bon signe, le signe que les mentalités évoluent et que la sphère artistique s’affranchit peu à peu de sa réputation « élitiste ».

Votre galerie a pour ambition d’être la vitrine de différentes cultures à travers le monde. Qu’est-ce qui vous fascine le plus dans la culture camerounaise d’une part, qui représente vos racines, et la culture luxembourgeoise d’autre part, votre pays d’adoption ?

De mon pays natal, j’ai gardé une grande ouverture d’esprit, l’ouverture à l’autre et le partage. Mon caractère de fonceuse vient aussi de cette culture. D’ailleurs ne dit-on pas que les camerounais sont tous des « lions indomptables » ? Par contre, quand je suis au Cameroun, après quelques jours, j’ai envie de rentrer « à la maison ». Cela signifie que j’ai adopté le Grand-Duché et sa culture, et vice-versa, puisque le Luxembourg m’a aussi adoptée. D’où ma volonté, de faire découvrir, localement et à travers l’art, une partie de la richesse culturelle du Cameroun.

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Ruth Gallery propose à la vente et à la location une sélection d’œuvres de tableaux et sculptures contemporains. Photo © Henri Goergen

Vous collaborez depuis 2019 avec le CASINO 2000 pour promouvoir l’art contemporain à travers les artistes que vous représentez. Qui sont ces artistes et comment les sélectionnez-vous ?

Après le Pop Art et le Vietnam, j'ai finalement trouvé ma véritable vocation Je représente des artistes établis et émergents du continent africain et de la diaspora africaine. Étant moi-même africaine, c’était une évidence. L'Afrique est un immense continent (54 pays) avec une population très jeune, et d'énormes opportunités pour l'art. Je suis beaucoup d’artistes et de galeries sur les réseaux sociaux ; je collabore aussi avec des galeries déjà établies. Enfin, j’ai noué un partenariat avec un centre d’art au Congo Brazzaville dont la fondatrice, Bill Kouelany, est une vraie dénicheuse de talents et une figure du monde de l’art en Afrique. En ce qui concerne mon processus de sélection, voici comment je l’expliquerais : une œuvre d’art fait toujours naître un sentiment bien particulier. Soit elle résonne en nous, soit elle nous laisse perplexe. Je ne travaille qu’avec des artistes avec lesquels j’ai une certaine affinité artistique, une certaine connexion empathique. Parmi les critères plus « objectifs » que je prends également en compte, il y a la notoriété de l’artiste et la singularité de sa démarche, la thématique et le style de ce dernier devant, à mon sens, être reconnaissables et tout de suite attribuables à cet artiste. Le parcours de l’artiste, son CV, a aussi son importance, même si en général mon attention se porte sur des artistes inconnus du public luxembourgeois, qui vivent sur le continent africain. Ces artistes sont tout de même connus de quelques grands collectionneurs d’art un peu partout dans le monde, qui n’hésitent pas à faire de longs voyages pour étoffer leurs collections.

Quels sont vos projets pour les prochains mois ?

Je me rendrai à Amsterdam du 26 au 31 octobre, puis à Hambourg du 9 au 14 novembre, où je participe à des foires internationales d’art contemporain. En mars et avril 2022, je devrais participer à d’autres foires d’art à Bruxelles et à Düsseldorf, et peut-être même à New York. Et enfin, j’envisage d’ouvrir un concept store dédié à l’art et à la décoration, si tout se passe comme prévu.

Un dernier mot aux personnes qui nous lisent et qui font peut-être leurs premiers pas dans l’art ?

Osez rentrer dans les galeries d’art, découvrez le travail des artistes et achetez d’abord avec votre cœur. N’hésitez pas à venir aux vernissages même sans y être personnellement invité. Chez Ruth Gallery nous serons toujours ravis de vous d’accueillir. Enfin, ce n’est pas le prix qui fait la qualité d’une œuvre d’art, c’est le plaisir quotidien que l’œuvre procure à son acquéreur, qui a dès lors indéniablement réalisé un investissement rentable, parce qu’il fait du sens pour lui.

https://www.ruth-gallery.lu/