KITSHICKERS

27 nov. 2023
KITSHICKERS

Article en Français
Auteur: Pablo Chimienti

Kitshickers est un groupe pas comme les autres. Pas seulement parce qu’il est un des rares, au Luxembourg, à avoir dépassé le quart de siècle d’existence, mais surtout parce qu’il propose à ses auditeurs des expériences artistiques qui dépassent le seul univers musical. Rencontre avec Gilles Heinisch, un de ses membres fondateurs, à l’occasion de la « Kitshickers extravaganza » qui se tiendra le 1er décembre à la KuFa à l’occasion des 25 ans du groupe et de la release party The Boarwin hunt, leur neuvième album.

À l’occasion des 25 ans de Kitshickers vous sortez votre neuvième album, The Boarwin hunt. C’est quoi un « boarwin » ?

Gilles Heinisch : C’est un mot que nous avons inventé. En fait, tous nos albums ont un lien avec le chiffre 42, soit dans les pochettes, soit dans les chansons… Il y a toujours une référence, un 42 qui est caché, car le 42 est la réponse à toutes les questions au sens de la vie, à toutes les questions concernant l’univers, etc. Tous ceux qui ont lu The Hitchhiker's Guide to the Galaxy de Douglas Adams comprendront ce à quoi on fait référence. « Boarwin » vient simplement de « Rainbow » car il faut savoir que pour qu’un arc-en-ciel apparaisse, l’angle de la lumière qui tape dans l’eau doit être de plus ou moins 42°.

album

Que faut-il comprendre alors par rapport à ce titre d’album ?

En fait, nos pochettes d’album racontent une histoire. C’est aussi pour ça qu’on va proposer une exposition dans le cadre de cette soirée des 25 ans à la KuFa. Les spectateurs vont pouvoir voir toutes nos pochettes accrochées les unes à côté des autres et pourront ainsi bien visualiser l’histoire qu’elles racontent. En fait, on suit notre protagoniste, qui est un extraterrestre androgyne, de sa naissance à aujourd’hui. Et là, on va découvrir que tout ce qu’on a vu avant sur les pochettes, en fait, c’était une vie qu’il menait à l’intérieur d’un monde virtuel.

« Toujours à la recherche de quelque chose »

Ça a l’air complètement barré, sur 25 ans, de se dire, on va tirer une histoire, comme ça, à travers différentes pochettes d’album…

On n’a pas vraiment coordonné ça au début, c’est venu au fur et à mesure avec chaque nouvel album. On s’amuse à continuer l’histoire de notre protagoniste. Bon c’est clair que Boris (NDR : Schiertz) et moi, les deux membres fondateurs encore présents dans le groupe, sommes fans de science-fiction. Du coup, on s’inspire beaucoup de ça. Là, c’est un peu inspiré du roman Player One et de cette idée de faire une « Easter Egg hunt ». C’est pour cela qu’on a appelé notre album The Boarwin hunt, parce que notre protagoniste est toujours à la recherche de quelque chose.

Revenons à cette fête pour les 25 ans ; n’aurait-elle pas dû avoir lieu l’année dernière ? Si on compte bien, la première démo K7 du groupe est sortie en 1997.

C’est correct ; mais cette année, on fête notre quart de siècle de présence sur scène, puisque le premier vrai concert qu’on a joué, c’était en janvier 1998. La K7, qui était effectivement sortie un peu avant, nous servait de démo pour trouver des concerts.

Bref, un quart de siècle de présence sur scène, cette année pour Kitshickers. Qu’est-ce que vous vous dites, Boris et toi, quand vous pensez à ces 25 ans ?

En fait, ces 25 dernières années sont passées tellement vite que… Boris et moi, on se connaît depuis qu’on a dix ans. Il avait une gratte, comme moi ; chacun répétait chez lui à la maison en entendant l’autre qui avait la fenêtre de sa chambre ouverte. C’est comme ça qu’on a décidé de former un groupe. On n’aurait jamais cru, à l’époque, qu’on en parlerait encore aujourd’hui. C’est clair ! Après, on est toujours content de pouvoir faire ce qu’on fait, puisque c’est exactement ce qu’on veut faire. Il y a de nouveaux membres dans le groupe, mais l’esprit est toujours le même que celui des débuts.

« Si on a envie d’insérer une partie ska, de techno ou jazz dans un morceau, on le fera »

Que reste-t-il du groupe des années 90, de ce jeune quatuor qui jouait du grunge ?

Au début, on était grunge, punk ; la musique était assez simple, mais depuis le changement de line up, on est devenu un groupe beaucoup plus conceptuel et la musique est devenue beaucoup plus complexe. Notre musique est probablement moins accessible qu’à nos débuts, mais elle est bien meilleure au niveau de la composition. En fait, on ne se fixe aucune limite, que ce soit quand on compose des morceaux ou quand on écrit des paroles. On répète, on fait des jams, on garde ce qu’on aime et jette ce qu’on n’aime pas. On est un groupe très démocratique, si la majorité du groupe n’aime pas une partie d’un morceau, on ne la garde pas, c’est tout ; mais si on a envie d’insérer une partie ska, de techno ou de jazz dans un morceau, on le fera.

Revenons à ce nouvel album, Vous parlez de musique conceptuelle et, effectivement, on est en plein dedans. Il y a 10 pistes, mais, en fait, juste 4 morceaux, c’est ça ?

C’est ça ; il y a 4 chansons qui, dans l’album, sont divisées en 10 pistes. Les morceaux s’appellent W1, W2, W3 et W4, mais W1 est divisé en quatre parties, de W1L0 à W1L4. On peut voir ça comme un jeu vidéo, avec le « W » qui correspond à un monde, « World », et le « L » qui correspond aux différents niveaux de jeu, les « Levels ». W1 fait 20 minutes, c’est impossible qu’elle passe telle quelle à la radio, c’est pour cela qu’on l’a divisée en différents levels

Pas banal en effet, mais, OK, on commence à comprendre. Maintenant, parlons plus particulièrement de la musique. Comment sont nés ces 4 morceaux ?

Comme toujours quand on écrit un album, on fait des jams ; il y en a un qui arrive avec une idée et on commence à jamer sur cette idée. Boris, Pol et moi, ça fait un moment qu’on a commencé à travailler sur ce nouvel album, quand Nelson a décidé de quitter le groupe, on a continué à travailler sur l’existant avec Thierry, le nouveau batteur, et Raph, le troisième guitariste. Il y a donc des parties écrites par Boris, d’autres par moi, d’autres par Pol, mais on intègre toujours aussi les idées des autres.

Bref, vous composez chacun de votre côté, puis ensemble vous trouvez un fil rouge commun.

Oui, c’est un peu ça.

« Comme tout le concept est basé sur un monde virtuel, pourquoi pas sortir un jeu vidéo ? »

Ça explique, en partie du moins, les nombreuses variations, les changements de style. Pour résumer l’album, il y a du scream de métalleux, des moments chantés, mais aussi de nombreux moments instrumentaux. Il y a du métal, du math-rock, des mélodies aux rythmes très différents allant du très pêchu au très doux, avec de petites touches de piano jazz, voire de musique contemporaine, mais aussi de nombreux bruitages atmosphériques et des ambiances cinématographiques… C’est très intrigant.

C’est assez bien résumé. Ça fait plusieurs albums que les gens du cinéma nous disent qu’ils ont l’impression d’entendre une bande originale de film quand ils écoutent notre musique. D’autant que, même s’il y a de la voix et des paroles, il y a de longs moments instrumentaux. On aime jouer avec des hauts et des bas, proposer un roller coster ride à nos auditeurs. Cette façon de jouer et de composer est tellement ancrée en nous que ça vient naturellement. On n’écoute pas que du rock ou du métal, on est influencé par plein de musiques très différentes. D’ailleurs, des fois, ça nous joue des tours ; on est métal et pas métal en même temps, du coup, ce n’est pas toujours évident de nous programmer dans un festival métal, car on n’est pas assez métal, et pas facile non plus de nous placer dans un festival de rock, car on est trop métal. Mais bon, c’est comme ça ; on assume.

La musique est donc cinématographique, mais ce qui est intéressant, c’est que vous n’allez pas accompagner la sortie de l’album, qui ne sortira qu’en version digitale, sans vidéo clip traditionnel, mais avec un videogame. Expliquez-nous ça…

Effectivement, le vinyle est devenu trop cher et les délais sont devenus impossibles ; CD, plus personne n’en veut. Donc, quand on a décidé de ne sortir l’album qu’en version digitale, on s’est dit que simplement donner un code aux gens pour qu’ils puissent télécharger les morceaux, c’était un peu moche. Un soir, en rentrant d’une répète, j’ai un déclic : comme tout le concept est basé sur un monde virtuel, pourquoi pas sortir un jeu vidéo ? Pourquoi ne pas utiliser un jeu vidéo comme moyen de faire écouter notre musique ? On a lancé une campagne de crowdfunding, qui a bien marché, pour faire faire ça par un développeur. Il y a donc un jeu vidéo – en fait un jeu avec 5 jeux vidéo différents à l’intérieur : un de skate, un de voiture, un jump & run, un jeu dans l’espace… Le tout dans un style retro où le joueur peut choisir un membre de Kitshickers comme personnage pour retrouver notre chanteur qui a été kidnappé. Bien évidemment, on peut aussi juste télécharger l’album et l’écouter sans avoir à jouer à ce jeu !

jeu

Vous vous rendez compte que ça a l’air complètement dingue ?

Oui. On aime bien ça d’ailleurs, un peu comme le concert qu’on avait fait en 2021 avec The Majestic Unicorns from Hell à la KuFa. En fait, en 2019, on avait déjà fait un concert ensemble à la KuFa où il y avait 6 scènes, 12 musiciens, et un grand morceau de 40 minutes que les deux groupes avaient composé ensemble. René Penning (NDLR : directeur de la Kulturfabrik) avait trouvé ça époustouflant et m’avait demandé ce qu’on comptait faire encore avec ce projet. Je lui ai alors répondu que j’aimerais y inclure une projection à 360° d’un film qu’on allait réaliser nous-mêmes. La KuFa nous a dit banco et nous a soutenus pour ça. Du coup, en 2021, on a fait ce concert complètement fou où on a projeté ce film de 40 minutes sur un écran circulaire de  15 mètres de diamètre avec les spectateurs à l’intérieur de la projection. C’était super.

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© Martine du Earthbound Collective

Du coup, peut-on parler de Kitshickers comme d’un groupe d’artistes pluridisciplinaires ?

Je pense que pour la majorité du groupe on reste avant tout un groupe de musique ; après, disons que les autres me laissent faire (rires).

La release party de The Boarwin Hunt, verra sur scène Desdemonia, Kakumori, Blue Room et Pleasing. Qu’avez-vous donc prévu comme surprise ?

Il n’y aura pas de très grande surprise, mais déjà un mini-festival pas mal avec des groupes de nos débuts – Desdemonia a joué dans les mêmes festivals que nous à nos débuts, et je pense que Blue Room n’a plus donné un concert depuis 15 ans – et puis des groupes plus jeunes. Il y aura aussi l’exposition sur les 25 ans de Kitshickers avec les pochettes et puis une projection et un light-show pendant notre concert. C’est déjà pas mal.

 

http://www.kitshickers.org

https://kulturfabrik.lu/event/kitshickers