11 juin. 2021Francofolies
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les Francofolies d’Esch-sur-Alzette sans jamais oser le demander.
Avec un an de retard pour cause de Covid et un programme remanié, les Francofolies vont bien débarquer cette année à Esch-sur-Alzette, du vendredi 11 au dimanche 13 juin. Des concerts en plein air au Gaalgebierg constituent la majeure partie d’un programme complété par des concerts plus intimistes au Escher Theater, une pièce de théâtre sur Aznavour et une soirée de concerts à la Kulturfabrik. Rencontre avec le directeur général de cette version eschoise des Francofolies, Loïc Clairet.
L’accouchement de ce bébé a été particulièrement compliqué. Il y a eu l’annulation de 2020 à cause du Covid, une programmation 2021 fortement remaniée pour la même raison, sans oublier une warm up edition plutôt décevante de 2018. Quel est du coup l’état d’esprit au sein de l’équipe organisatrice alors que l’événement approche enfin ?
Loïc Clairet: On est content. Quand on a dû annuler l’an dernier, on a réengagé le travail immédiatement. On est donc ravi d’y être… presque. Depuis janvier on sait que, peu importe les conditions sanitaires, on va faire quelque chose. Du coup, c’est un soulagement de pouvoir le faire, non de manière optimale, car elle est loin d’être optimale, mais du moins de manière assez complète. En ce qui concerne la warm up, c’était un coup d’essai avec un prestataire extérieur. La machine n’était pas du tout la même. Mais c’est clair que ça s’est monté trop vite et pas vraiment dans les meilleures circonstances. Après, ils ont aussi joué de beaucoup de malchance avec un artiste qui se blesse quelques jours avant le concert (NDLR : Frah des Shaka Ponk) et qui doit reporter le concert et un autre qui arrive grippé (NDLR : Julien Clerc, qui a malgré tout assuré son concert). Mais attention, on ne fait pas fi de cette warm up parce que c’est malgré tout ce qui a donné envie à la ville d’Esch de continuer à avoir des Francofolies ici, de continuer à défendre la francophonie et la francophilie à Esch et de constater que le projet qu’on a construit ensuite fait sens. On est persuadés qu’un festival comme les Francofolies est très intéressant pour le Luxembourg et pour Esch-sur-Alzette.
Pourquoi ?
LC: Parce qu’on défend la francophonie et la francophilie. Il y a la langue, utilisée dans le pays et dans deux des pays qui nous entourent, et puis il y a un espèce d’art de vivre à la française qui est reconnu dans le monde entier. Quand on est dans un pays où le multiculturalisme est un aspect important, si on traite de gastronomie, d’architecture, de littérature, etc… on peut facilement tisser des liens entre les différentes communautés. Et puis, les Francofolies c’est un label prestigieux, avec sept festivals dans le monde. On a donc un cahier des charges qui précise qu’on y chante en langue française, mais pas que, qu’il faut un sens poussé de l’accueil du public, qu’on y défend la jeunesse, les enfants, l’éducation musicale et l’émergence musicale… Mais après, chaque festival fait « ses » Francofolies. À Esch, nous allons donc insister sur ce multiculturalisme… Bon, malheureusement pas cette année, mais c’est prévu dans le projet et on le fera dès que possible à l’avenir. Et puis nous nous démarquons par un cadre naturel avec du développement durable dans le cadre du projet. On veut montrer qu’Esch-sur-Alzette est une ville en reconversion de son passé industriel vers quelque chose de nouveau qui est lié à la nature. Le gros du festival se déroulera d’ailleurs au Gaalgebierg, qui est le plus grand parc communal du Luxembourg. C’est tout ça qu’on veut mettre en valeur à travers ces Franco.
Pour ce qui ne la connaissent pas les Francofolies, qui ne sont jamais allé à La Rochelle, Spa ou encore Montréal, comment les définiriez-vous ? Lors de son passage par le Grand-Duché, en 2019, Gérard Pont, le grand patron des Francofolies, expliquait : « Les Francofolies ne sont pas un lieu où l’on vient consommer. On y vient pour découvrir, apprendre, partager, s’émouvoir… » ?
LC: Les Francofolies sont avant tout un festival de musique. C’est ce qui fait venir une grande partie du public. Mais ce qu’on cherche c’est que le spectateur vive une expérience. Personnellement je préfère que le public dise : « j’ai passé un bon moment » plutôt que « j’ai passé un bon concert ». À Esch on veut avoir un profil d’événement total. On va aussi apporter beaucoup d’attention à ce qu’on mange, au développement durable. On veut créer des espaces où les gens pourront vivre un moment, avoir un débat philosophique, manger des choses très différentes et, bien sûr, voir aussi des concerts.
© Sébastien Tellier - Domesticated
Parlons musique. Nekfeu, Eddy de Pretto, Hatik, Clara Luciani et Iliona ne seront finalement pas présents. Avez-vous réussi à faire en sorte que leurs fans ayant déjà des tickets les gardent et viennent découvrir la nouvelle programmation ?
LC: Difficile de répondre puisqu’on a fait le choix, quand on a appris les annulations des tournées de ces artistes, de rembourser la totalité des billets. Le festival va être assis, on a donc dû revoir les horaires et resserrer le line-up, car un public assis ne va pas rester de 11h à 23h presque sans se déplacer. On a donc préféré tout rembourser et relancer une nouvelle billetterie. Ce qui est certain c’est qu’on a déjà vendu d’autres parties de la programmation, comme les concerts de Sébastien Tellier et de Feu ! Chatterton. Ça prouve qu’il y a un véritable intérêt pour le projet.
Quels seront les horaires du coup ?
LC: On devrait être sur quelque chose qui va aller de 15 h à 22h30, à peu près, pour que les spectateurs puissent rentrer à temps pour le couvre-feu qui sera toujours en vigueur.
Là on parle de la partie festival qui se déroulera au Gaalgebierg, avec, samedi, Camélia Jordana, Chilla, Napoleon Gold, Yseult, Meskerem Mees et, dimanche, Philippe Katerine, Hervé, Terrenoire, P.R2B, Ryvage et Chaild. Mais il y a aussi les concerts de Sébastien Tellier et Feu ! Chatterton au Escher Theater. Comment allez-vous créer un lien entre ces deux lieux et programmes ?
LC: Le festival est une construction collective avec des partenaires comme le Escher Theater, la Kulturfabrik ou encore la Rockhal. Le fait de ne pas se limiter au parc fait partie de l’ADN du projet. Il y avait aussi d’autres choses qui étaient prévues, comme un lieu pop-up au centre-ville ou encore une « tournée des Franco » pour soutenir l’émergence dans différents bars en France, en Belgique et au Luxembourg, mais qui ne pourront finalement pas se faire cette année. Cela dit, on rejoint très facilement les différents endroits à pied, grâce à la passerelle. Rien n’empêche un spectateur d’aller au concert de Feu ! Chatterton, le dimanche à 15 h et, une fois celui-ci terminé, rejoindre le festival au parc pour le reste de la programmation de la soirée. Mais c’est clair, quand on achète un ticket pour le parc on n’a pas un ticket pour le théâtre et vice-versa.
Au niveau des styles de musique, ça part dans tous les sens, de la chanson au hip-hop en passant par l’electronica, le singer-songwriter. Quel est le fil rouge du programme ?
LC: Au départ, les fils rouges étaient plus évidents, avec un samedi très hip-hop et un dimanche plus chanson française et variété. Comme déjà dit, on a dû tout changer. On a essayé de rééquilibrer la programmation dans le sens où on peut aimer le hip-hop et Yseult, puisqu’on est dans des frontières de R’n’B et influences communes - même si là Yseult sera dans un format assez acoustique et intimiste. On peut aimer Philippe Katerine et aussi Camelia Jordana. Et puis, on garde quelques surprises pour les spectateurs.
Vous avez parlé d’événement total, effectivement, la manifestation va être ouverte par une proposition théâtrale, sur Aznavour – Petit frère, la grande histoire Aznavour –. Les Franco ont la fibre pluridisciplinaire ?
LC: Oui, c’est clairement l’objectif. L’architecture viendra s’ajouter à un moment ou un autre, la philosophie, la poésie, les arts de la rue, la gastronomie… On veut mettre en place une expérience multiple, pas juste un festival de musique. Aznavour est un artiste connu dans le monde entier, alors oui, ce sera une pièce théâtrale, mais justement ça crée du lien entre les différents rendez-vous de la manifestation. L’Escher Théâter est là parfaitement dans son corps de métier, en proposant une pièce de théâtre, tout en s’intégrant magnifiquement dans le projet.
Un événement était également prévu à la KuFa, ce n’est plus le cas ?
LC: Si, il y aura une soirée avec trois concerts, Klein (LU), Glass Museum (BE) et Tukan (BE).
© Kulturfabrik
Comment avez-vous sélectionné les artistes luxembourgeois de la programmation : Napoleon Gold, Ryvage, Chaild ?
LC: On n’a pas de quota, on ne s’oblige pas à programmer un nombre de concerts d’artistes luxembourgeois. Le choix se fait donc de par l’actualité, la qualité, l’ancrage local, l’esthétique des journées. On est très heureux d’accueillir Ryvage, qui est d’Esch. Chaild est un artiste porteur du pays qui a toute sa place dans notre programmation tout comme Napoleon Gold. Ils font sens dans la programmation. Après, on est aussi contents de leur offrir cette opportunité, avec leur présence aux Francofolies, ils vont très certainement être vus par d’autres, donc si on peut leur ouvrir des portes, nous serions ravis. D’autant que passer dans le cadre des Francofolies ça a un certain poids au niveau des boîtes de production.
Est-ce que les organisateurs des autres Francofolies seront là ? Est-ce que des échanges d’artistes sont envisageables ?
LC: Il existe une confédération officielle des Francofolies et on a beaucoup d’échanges entre nous. Gérard Pont devrait être présent à Esch cette année. Chacun regarde ce que fait l’autre et on en discute, c’est clair. La preuve, nous avons au programme P.R2B qui est une artiste soutenue par les Franco de La Rochelle.
Que prévoyez-vous au niveau sanitaires ? Une jauge de 1.000 spectateurs, comme la Rockhal ?
LC: Non, la situation est différente. Nous ne sommes pas un concert-test, mais un événement, nous sommes en extérieur, nous allons proposer à boire et à manger pendant le festival à travers une application, avec paiement dématérialisé, à travers laquelle les gens vont pouvoir commander à boire et à manger de leur place et soit aller chercher leur commande quand c’est prêt soit se faire livrer sur place. Ce n’est pas les gens qui iront au bar mais le bar qui viendra à eux ! Avec la place que nous avons, nous arrivons à une jauge de 512 spectateurs assis en respectant la distanciation entre chaque groupe de spectateur qui pourra aller jusqu’à 4 personnes. Il y aura des couloirs de circulation, des zones fumeurs, des toilettes… mais les gens sont invités à limiter leurs déplacements. Les gens vont devoir porter un masque qu’ils pourront enlever pour boire et manger et devront le remettre rapidement ensuite.
© Francofolies
Ce n’est pas cette année que vous battrez des records de fréquentation, mais pour la suite, quelle sont les attentes au niveau de la fréquentation ? La Rochelle a accueilli 150.000 spectateurs en 2019.
LC: Nous n’en sommes pas là. Un festival se construit avec le temps. C’est aussi pour ça qu’on tenait absolument à organiser une édition cette année, pour asseoir le festival sur son territoire avant 2022 quand Esch sera capitale européenne de la Culture. On a aussi besoin de tester des choses. Mais pour revenir à la fréquentation à l’avenir, la capacité dans le parc, hors Théâtre, KuFa, etc… sera à peu près de 8.000 spectateurs par jour. Comme il est possible de proposer 3 jours de festival au Gaalgebierg, on pourrait viser pas loin de 30.000 spectateurs dès 2022.
Les Francofolies s’implantent au Luxembourg dans une période où la plupart des grands festivals de musique en plein air ont disparu : Rock-A-Field, Food For Your Senses, All American Festival , Funky Donkey Festival, mais aussi le festival Terres Rouges également au Gaalgebierg jusqu’en 2014. Comment faire pour que celui-ci perdure ?
LC: C’est une question compliquée. Nous misons sur l’originalité du projet. L’articulation avec laquelle on construit notre événement nous paraît intéressante ; on propose des choses qu’on n’a pas encore vues. C’est pourquoi on ne veut pas viser trop grand tout de suite, on veut travailler sur notre décor, sur une communication qui ne s’intéressera pas seulement aux noms des artistes au programme, mais sur ce qu’on y vit. C’est le temps qui nous permettra de faire tout ça. Et nous avons le soutien de la ville d’Esch-sur-Alzette, c’est elle, au départ, qui a voulu ce festival. Cela nous permet de lancer ce projet facilement et d’avoir un contrat pour trois éditions, ce qui nous amène jusqu’en 2023. Après il n’est pas question de faire n’importe quoi, il faut que le festival crée sa propre économie et qu’il tourne bien.
Plus d'informations sur: www.francofolies.lu
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