Entretien avec Serge ECKER / DKollektiv

09 juin. 2022
Entretien avec Serge ECKER / DKollektiv

Article en Français
Auteur: Loïc Millot

Serge Ecker fait partie du collectif d’artistes DKollektiv, basé sur le site NeiSchmelz de Dudelange, qui vient d'inaugurer le 14 mai avec d’autres associations le bâtiment Vestiaires & Wagonnage (VEWA). Au programme de ce jour d’inauguration : chantiers participatifs, bourse aux plantes, marché de vélos d'occasion, cantine syrienne, workshops (urban sketching, cyanotypie, sérigraphie)... Retour sur ce collectif qui déploie ses activités sur les anciennes friches de Dudelange.

Présentez-moi s'il vous plaît votre collectif

DKollektiv est né en 2016. A la base, il s'agissait simplement d'un projet temporaire qui aurait dû durer un mois pendant la Biennale de la culture industrielle et de l'innovation. On occupait alors l'ancien Hall des locomotives, sur le site de Dudelange, pour y réaliser une sorte d'agora avec des artistes, des architectes, des intervenants externes, avec des résidences qui nous permettaient d'exposer notre interprétation contemporaine du patrimoine industriel par le biais de l'art et de l'occupation d'un terrain abandonné.

Combien de membres comptez-vous aujourd'hui et quelles sont vos missions ?

Nous avons autour de vingt-cinq membres, même si cela varie entre le comité, qui est le noyau dur du collectif, et les membres actifs. Deux ou trois d'entre eux sont dans le milieu artistique. Les autres sont dans l'architecture, l'activisme, le social, retraités, ou sont étudiants. Des citoyens motivés de Dudelange nous aident également à transmettre du savoir-faire artisanal.

Pour le moment, nos missions portent principalement sur l'échange de savoir-faire, le faire ensemble, le traitement respectueux des ressources, la création et la convivialité autour de la cuisine et des jardins.

Comment s'est passée l'inauguration le 14 mai du VEWA (Bâtiment Vestiaires et Wagonnage) ?

On a appelé ce processus de rénovation participative, le « DKollage ». C'est un projet que l'on a conçu en 2019 et qui s'est finalement inscrit dans le cadre d'Esch 2022, sous la forme d'une bourse « Tiers-lieux culturel » de l’Œuvre nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte. On a alors rénové le bâtiment Vestiaires-Wagonnage ensemble avec les citoyens, la commune de Dudelange et des entreprises spécialisées. Depuis l'automne 2020, on y mène des chantiers participatifs.

© Ville de Dudelange

© Ville de Dudelange

Travailler avec les habitants, c'est quelque chose d'important pour vous ?

Oui, bien sûr, c’est un aspect très important pour nous. Car on n'est pas un collectif pleinement ancré dans l'art « pur et dur ». Notre but n'est pas de réaliser des expositions. Pour nous, c'est toujours une question d'appropriation et d'échanges avec la population locale, avec des artistes plus ou moins professionnels et des architectes. L'enjeu, ici, est de faire ensemble, de créer ensemble, de réfléchir ensemble et d’expérimenter.

Quelle est l'histoire du site industriel sur lequel vous vous êtes établi ?

Le terrain était à l'abandon. Il s'agissait d'un site industriel qui avait cent ans de production derrière lui. Il a été érigé en 1893, avec une cession de l'activité de production en plusieurs étapes : fin de la phase chaude en 1984 avec destruction des hauts-fourneaux. En 2005, c'est la fermeture complète de l'usine, laissée à l'abandon. L'état des bâtiments se dégradait au fur et à mesure...

C'est un site qui était destiné à la destruction ?

Non, c'est plus compliqué que cela. Quelques bâtiments avaient en effet été retirés, mais avec ceux qui restaient, un nouveau quartier va être développé. Ce qui appartenait à Arcelor Mittal a été transféré à un fond de logement, qui est l'actuel propriétaire du terrain. Ce nouveau quartier, appelé « NeiSchmelz », qui va émerger, dessine une cicatrice dans Dudelange qui va de la frontière française au sud, jusqu'à la mairie au nord. Elle vient relier les quartiers Schmelz et Italie, qui n'étaient auparavant jamais connectés entre eux à cause de l'usine. Les bâtiments que nous occupons – le nouveau Hall de locomotive et le Vestiaire Wagonnage – sont une mise à disposition de la municipalité. Et depuis 2017 le DKollektiv a déménagé dans le hall Fondouq, qui va être détruit pour faire place au nouveau quartier.

Quels publics fréquentent vos activités et est-ce qu'ils sont nombreux ?

Cela dépend. On a fait des chantiers participatifs en période épidémique, ce qui a été très compliqué, suite aux mesures qui changeaient plus ou moins chaque semaine. Mais on avait parfois jusqu'à 30 ou 40 personnes, issues de tout le pays. Ils venaient soit parce qu'ils avaient envie d'apprendre, soit parce qu'ils avaient envie de transmettre quelque chose ou juste pour participer.

Votre collectif est établi sur une friche industrielle : quelle conception du patrimoine industriel souhaitez-vous promouvoir ?

Nous voulons faire revivre ce patrimoine, mais pas à un niveau muséal. Nous ne sommes pas une association nostalgique. Si on ressent parfois une forme de nostalgie, c'est parce que beaucoup d'entre nous ont des liens avec la sidérurgie, notamment ceux dont les familles ont travaillé dans les mines, dans les usines. Pour donner un exemple, lorsqu'on trouve un outil et que nous apprécions sa forme, on va essayer de l’intégrer à notre projet mais pour en faire quelque chose d'autre.

Beaucoup de partenaires vous soutiennent. Quel lien avez-vous tissé par exemple avec le Centre National de l’Audiovisuel ou le MUDAM ?

Le Centre National de l’Audiovisuel est notre voisin. Le photographe du CNA, Romain Girtgen, qui est un sympathisant de notre collectif, nous aide notamment pour la documentation. Avec le MUDAM, on a fait une performance de cuisine. En coopération avec le FERRO FORUM on a sorti un livre de cuisine au printemps 2021, intitulé Guten Appetit, qui porte sur la façon dont les ouvriers se nourrissaient dans les mines et les usines.

Quels sont à l'avenir les projets de développement de votre collectif ?

Notre collectif est l'un des utilisateurs du VEWA (Vestiaire Wagonnage). On va mettre en place une structure mais pour le moment c'est nous qui avons un peu le lead sur la nouvelle communauté et la vie du lieu. On a le projet de créer une saison à partir de septembre qui traitera de la thématique de la cicatrice urbaine. On va demander à des associations et des artistes de travailler sur cette thématique et de développer des projets, comme l'intervention qui est prévue à la fin du mois d'octobre de Michèle Tonteling.

Souhaitez-vous aborder encore quelque chose qui vous tiendrait tout particulièrement à cœur ?

Oui, on collabore en ce moment avec le CEPA, une institution luxembourgeoise qui travaille beaucoup avec des artistes professionnels et des citoyens de tout âge pour les initier durant l'été à l'art. Des cours spéciaux en photographie, dessin, danse ou peinture leur sont ainsi dispensés. Il est prévu que le CEPA fasse une programmation à Dudelange ; ils utiliseront le VEWA pour leur prochaine Académie d'été et leur programmation 22-23.

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