5 questions autour de Ladybits

10 jan. 2022
5 questions autour de Ladybits

Article en Français
Auteur: Godefroy Gordet

« Gintare Parulyte TM »

Artiste plurielle, Gintare Parulyte voyage du jeu à la chanson, en passant par l’écriture scénaristique et théâtrale, la mise en scène et la réalisation… En 2017, elle publie Fuck, une première nouvelle qui fait aujourd’hui partie des œuvres de fiction les plus populaires du Luxembourg, mais surtout l’occasion pour elle de conforter ses envies d’écritures. Dans ce sens, de son passé et ses origines lituaniennes, elle distille un texte, A Lithualien in the Land of Bananas, qu’elle monte à la scène. Derrière, on ne l’arrête plus… Et rapidement, entres une centaine de choses, la voilà signer Is That, Like, Your Real Job?, un premier court-métrage drôle et incisif dans lequel elle revient sur son parcours d’actrice miné par la misogynie, l’irrespect et les jalousies. Forte aujourd’hui d’une personnalité intuitive, ses expériences de vie l’on enrichi et ont nuancé son travail. Le théâtre et le cinéma sont parts inhérentes de son parcours d’artiste. Et logiquement, ses ambitions n’ont pas faibli et avec sa dernière production Ladybits, soutenue par l'Œuvre Nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte et DEAL productions, elle retrouve sa place de scénariste/réalisatrice pour finalement dessiner plus encore son style cinématographique, entre féminité, intimité et franc-parler.

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© Ladybits, Bobby Breiðholt / Deal Productions

La première saison de Ladybits est désormais disponible gratuitement en streaming sur YouTube. Elle se compose de huit épisodes qui, par le prisme des conversations visiophoniques de Jean et Clémentine, meilleures amies et actrices, abordent des thématiques en lien avec la féminité et celle de jeunes actrices ambitieuses, se frayant un chemin parmi les obstacles d’une carrière sous les feux de la rampe… Pourriez-vous nous parler de la genèse de ce projet de web-série ?

Ce projet est le résultat de beaucoup de petites envies : l'envie de voir des femmes comme moi et mes amies à l'écran, l'envie d'écrire des sketchs courts qui pousseraient au rire et aussi à se dire « putain, est-ce qu'elle vient vraiment de dire ça ? » et l’envie de voir deux femmes merveilleusement imparfaites faisant de leur mieux pour traverser leur vie désordonnée, dans un amour inconditionnel l'une de l'autre.

Avant de commencer ce projet, j’ai écrit des courts métrages, des pièces de théâtre et j’ai commencé à travailler sur un grand projet de série avec de merveilleux producteurs. Mais avant de m'attaquer à une série à grande échelle, je voulais m’entrainer en griffonnant des idées pour créer quelque chose qui me paraissait moins ambitieux et plus intimiste.

Comme la vie n’est qu’un fil continu d'événements mystérieux et magiques, une fois que j'ai eu l'idée de créer cette web-série, petit format, je suis tombé sur un appel à projet ouvert par l’Œuvre Nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte, dont la date limite était le jour suivant. J'ai donc retroussé mes manches, postulé, et à mon grand plaisir j'ai été sélectionnée ! J'ai alors eu la grande chance d'obtenir le soutien de Deal Productions, qui a produit la série, et j’ai pu retrouver mes merveilleux collaborateurs, qui étaient tous déterminés à raconter ces bribes d'histoires culottées, et en particulier les stars du spectacle vivant que sont aujourd’hui Eugénie Anselin et Leila Lallali.

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© Ladybits / Deal Productions

Les épisodes varient de deux à cinq minutes et nous plonge dans les conversations intimes de deux jeunes femmes se livrant l’une à l’autre avec désinvolture et sans filtre. Pourquoi écrire sous ce format web-série et qu’est ce qui a inspiré votre écriture scénaristique ?

Lorsque j'ai demandé les fonds pour financer la série, nous étions au tout début du premier confinement, le monde était en panique totale. Toutes les productions théâtrales et cinématographiques étaient arrêtées et personne ne savait ce qu’il allait se passer ensuite, dans chaque sphère de vie. J'ai donc proposé un projet qui était compatible avec la situation sanitaire, qui n'impliquait pas que les gens soient en contact physique, et en même temps en prenant des sujets en lien mais d’une manière divertissante.

Dans ce sens, le format d'une web-série s'est présenté comme la solution idéale : il répond à la durée d'attention du public pour un programme court de fiction, il reflète le ton de la série – c'est-à-dire court, au point et dynamique –, tout en nous permettant de voir les deux personnages évoluer et s'épanouir. Et puis, dans Ladybits on a essayé de respecter la durée idéale pour raconter une histoire ou une blague, qui n'a pas besoin de plus de temps pour être racontée. Ça aurait été prétentieux de faire plus long, au risque de devenir trop explicatif, ce que je voulais absolument éviter.

Je voulais que tout soit réel, que tout ait l'air réel, sans ajouts superflus, détails gênants ou tentatives inutiles pour le rendre les choses « plus cool ». Je voulais faire en sorte que le public sente qu'il fait partie de quelque chose d'honnête et qu'il devienne le récepteur de la merveilleuse confiance et de l'amour partagés entre deux âmes sœurs.

La diffusion des épisodes sur YouTube nous a permis de toucher un public plus large et c’était incroyable de pouvoir diffuser le premier épisode une semaine après la fin du tournage. J'ai adoré ce rythme. Généralement les projets prennent une éternité à se faire, la post-production prend généralement aussi des années, et la plupart du temps les projets tels que les courts métrages ne peuvent être vus que dans des festivals de films sélectionnés et donc uniquement par un public relativement petit. Ladybits nous a permis de créer une belle série que nous avions envie de partager avec le plus grand nombre, le plus rapidement possible.

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© Ladybits / Deal Productions

Dans Ladybits le spectateur devient un regardeur curieux, les oreilles baladeuses, devant des discussions d’amies en appel vidéo, souvent très personnelles… Réalisé depuis votre cuisine islandaise, où vous vivez la moitié de l’année, avec les actrices Leila Lallali, logée à Berlin, et Eugénie Anselin, au Luxembourg, comment se réalise une telle série, entre la distance qui vous séparait et l’aspect technique en tant que tel de cet objet filmique qui impose une certaine direction artistique pour vous et une posture face à l’objectif pour les deux comédiennes ?

J’aimerais d’abord remercier Baptiste Ménage de Deal Productions, qui a été un vrai frère d'âme dans la construction de ce projet, pour sa patience, son travail sur les aspects techniques nécessaires au tournage de la série, ainsi que les conseils qu’il a m’a apporté et aux actrices. Ces dernières ont également été incroyablement patientes. Aucun de nous n'avait travaillé sur quelque chose de similaire auparavant. Nous étions donc tous des recrues, dans le même bateau, ce qui était excitant et amusant.

J'ai écrit la série, nous avons ensuite répété avec les actrices par des appels vidéo groupés et les jours de tournage j'ai dirigé les actrices via un appel vidéo de groupe qui était toujours allumé, même pendant le tournage, pendant qu'elles se filmaient avec leurs téléphones équipés de micros. Une fois les aspects techniques devenus familiers, le tournage en lui-même a été fluide et très amusant ! Je savais exactement ce que je voulais, les actrices se sont montrées merveilleusement instinctives et ont été brillantes pour donner vie à mes idées. J’ai eu la chance d’être entourée d’une équipe incroyable, outre ceux déjà cités, le graphiste Bobby Breiðholt de Reykjavik, l'animateur Quentin Claudé, la monteuse Pia Dumont, le responsable des réseaux sociaux Andrea Valadez Morante, ainsi que le compositeur Max Scheer. Tous m’ont aidé à donner vie à ma vision et l’ont saupoudré de leur magie propre pour créer des épisodes qui sonnaient et se présentaient d'une manière harmonieuse et authentique dans les moindres détails. Même ma traductrice, Amélie Vrla, a presque réussi à me faire faire pipi dans mon pantalon à chaque fois que je lisais ses traductions françaises, tellement elle est restée fidèle à ma voix, ainsi qu'à la voix de la série. J'ai la chance de pouvoir appeler la plupart des personnes qui ont travaillé sur ce projet « des amis », ce qui est une force incroyable car nous savons comment communiquer et avons tous un sens de l'humour et une éthique de travail similaires.

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© Ladybits / Deal Productions

Après votre Is That, Like, Your Real Job?, un court-métrage comique sur les déboires de Ramune, jeune actrice lituanienne, au prise au mépris et à la condescendance des requins de l’industrie cinématographique, vous reprenez pour héroïnes des actrices. En quoi Ladybits, prolonge les débats que vous aviez ouverts dans votre premier court-métrage en tant que réalisatrice ?

Ladybits est en effet une sorte de prolongement des sujets que j'ai abordés dans mon premier court métrage. Je voulais parler de l'univers du cinéma dans lequel j'ai grandi – et qui m'est donc très familier – et le colorer avec une honnêteté sans vergogne, par les échanges entre deux amis proches sur ce que cela signifie d'être non seulement une actrice, mais surtout une femme aujourd'hui. J'ai toujours eu envie de faire en sorte que le public ait l'impression de faire partie de discussions privées et intimes entre amies qui parlent de choses qui pourraient être considérées comme tabous, tout en se montrant un peu blasé par cela, pour en retirer la honte, la potentielle provocation ou encore le côté sensationnel. Le souhait a toujours été de montrer de quoi parlent les femmes quand personne ne regarde, tout en essayant d'être simple, authentique et honnête, et de parler de choses qui pourraient nous faire grincer des dents, mais que nous traversons finalement tous.

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© Ladybits / Deal Productions

Ladybits est une série financée par l'Œuvre Nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte et produite par DEAL. Deux soutiens de taille qui vous donne les moyens de rêver à une deuxième saison. Un mois après la diffusion du premier épisode, quelles sont vos ambitions futures pour cette web-série ?

Les retours ont été absolument réconfortants, bouleversants et encourageants. On nous a en effet demandé de tourner une deuxième saison et nous ferons de notre mieux, même si toute l'équipe et moi-même travaillons tous sur divers projets cette année.

Quoi qu'il arrive, je suis tombée amoureuse de l'écriture et de la réalisation de séries et je ne remercierai jamais assez l’Œuvre Nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte ainsi que Deal Productions pour leurs soutiens. Le fait qu’ils croient en mon projet m'a permis de travailler avec des professionnels incroyablement talentueux, ce qui a fait de ce projet quelque chose dont je suis très fière. Il faut beaucoup de travail pour créer quelque chose qui a l'air si simple au final.

De plus, la volonté de ces personnes incroyables de soutenir ce projet et les commentaires que nous avons reçus jusqu'à présent montrent que les gens sont impatients de regarder des histoires audacieuses. C'est merveilleux de voir que divertir et contribuer à briser les tabous peuvent être faits d’une telle manière, avec amour et franchise : un groupe de nerds du cinéma, enfermés dans leurs maisons, voulant raconter des histoires féministes badass, sans glamour, mais des tonnes d'amour, de soutien mutuel et de culot.

https://www.youtube.com/channel/UCsnGKcvG4nxY9FJKMbQDbRA