En un ouvrage dense et vibrant, Hubert Wurth déploie le fruit de recherches sur son passé, ses réflexions et pose des questions universelles. Son essai Muselblo est à la fois épopée historique, poétique et politique. Tournons-en quelques pages.

Au fil des trente-quatre chapitres, organisés en neuf parties, Muselblo, offre plusieurs entrées de lecture. Le récit sur le passé du domaine d’Ehnen glisse vers « une pensée cherchant à embrasser le devenir de la région, du pays et du continent ». Une fresque qui nous aide à comprendre en quoi la Moselle pourrait refléter à la fois notre rapport à l’Europe et l’idée du vivre ensemble dans notre Grand-Duché.

Continuité et mouvement

L’approche du livre se veut tout d’abord esthétique, car il renferme une mine d’illustrations sur fond de couleur. On pourrait d’ailleurs reconnaître là la patte et l’inspiration de l’artiste plasticien. Hubert Wurth retrace au fil des chapitres l’histoire de la Maison du Vin, qui fut longtemps celle des Ecoutètes d’Ehnen et domaine viticole et qui devint, en 1979, musée du Vin. En 2025, flanquée de son extension contemporaine signée Valentiny hvp architects, la « Waïnhaus » sera réouverte pour en faire le futur centre de découverte du vin de la région.

L’auteur nous entraîne d’emblée sur les traces de sa famille, dont l’histoire se mêle intimement à celle de la Moselle : « Cela m’a permis de découvrir des choses que je ne savais absolument pas sur ma propre famille. Avec cet essai, je perpétue la tradition, qui, en quelque sorte, entre en compétition avec le mouvement perpétuel de la rivière ». Une rivière, qui « comme tous les fleuves ou toutes les rivières du monde tient entre ses flots le sort des populations et de ses rives. »

Fluide, la narration est au fil des pages tendue entre passé-présent et avenir, telle la Moselle qui serpente pour rejoindre le Rhin à Coblence. Elle reflète les méandres d’une pensée et les inquiétudes de l’homme juriste et politologue, diplomate et ambassadeur du Luxembourg pendant vingt-huit ans, dont plusieurs années en Union Soviétique.

Le bleu de l’espérance

Cet essai pose un regard acéré sur la terrible agression de la Russie envers l’Ukraine. « L’urgence d’écrire » pour Hubert Wurth est née de ce conflit. S’il garde dans le choix de ses mots une distance diplomatique, la franche indignation affleure au gré de la lecture.

L’essayiste convoque un passé, que l’on ne doit pas oublier. Ce « Friddensfuerscher » cerne ainsi la relation avec le grand voisin à l’est – l’Allemagne – afin de décrire les enjeux historiques de la région mosellane et « pour mieux saisir le présent et préparer le pays pour un avenir de paix en Europe… particulièrement en période de doute européen, accentué par des difficultés climatiques, la pandémie et une guerre anachronique à l’est du continent. » 

Dès lors, les teintes bleutées de la Moselle sont comme une allégorie de l’espérance pour l’artiste et une tentative d’être optimiste. « La Moselle est la gardienne de la coopération entre riverains successifs et peut, à bien des égards servir de lanceur d’alerte… « Zesummen » ensemble avec des gens bien différents ! le défi est central, et toutes les solutions dépendent de la manière d’y faire face. » Ce n’est pas en tribun qu’Hubert Wurth s’exprime mais en homme soucieux de l’avenir…Tout est connecté : « Nous sommes confrontés de nos jours à plusieurs dangers, dont le péril climatique. Hélas l’attention est très faible pour ce type de problèmes et en règle générale les gens n’aiment pas changer d’habitude. »

Réduire Muselblo à un livre d’images ou d’histoire, n’y pensez-pas ! Cet essai, doublé de la conviction de l’auteur que « l’agir ensemble » est la solution qui s’offre à nous face aux défis de l’avenir, le transforme en un manifeste politique. Hubert Wurth dans sa manière de scruter le monde n’ose pas croire qu’il sera le seul à penser de la sorte. Savourons le temps d’un livre la fluidité d’une connivence avec l’essayiste.