Photo : Raisan Hameed, From the Series Embers of Narratives, PII © Raisan Hameed 
Raisan Hameed décline les différentes formes de destruction de façon abstraite dans un cycle initié par Risse et ZerStörung.

La dixième édition du Mois européen de la photographie au Luxembourg (EMoPLux)est lancée avec pas moins de 27 expositions dans tout le pays. Rethinking Photography: Presence/Absence, Visible/Invisible est le troisième volet d’une réflexion autour de l’image photographique. Gros plan sur les œuvres exposées au Cercle Cité.

À l’instar des autres médiums, la photographie a accompagné l’évolution de son temps. Cette pratique se transforme aujourd’hui avec l’IA générative ouvrant de nouvelles possibilités créatives, mais s’accompagnant aussi de dérives liées à son utilisation. Dans une société submergée d’informations visuelles, cinq artistes interrogent les profonds bouleversements des usages de l’image, liés aux technologies du numérique, et esquissent différentes réponses. Inspirés par la thématique : Presence/Absence, Visible/Invisible, ils explorent ainsi le hors-espace et le hors-temps à travers leurs œuvres aux formats très variés, qui incitent le visiteur au mouvement et qui suscitent une vague d’émotions. 

On découvre les photographies de l’artiste luxembourgeois Yann Annicchiarico et son monde nocturne peuplé d’insectes et de vies furtives. Quant aux images de Lucas Leffler, elles revisitent l’histoire de la photographie et l’héritage industriel des grandes compagnies de production de matériel photographique telles que Agfa et Kodak. Avec sa série Erased, Paulo Simão interroge l’absence, la présence, le visible et l’invisible dans un contexte historique et politique. Dans la série Embers of Narratives, l’artiste germano-irakien Raisan Hameed crée des formes fantomatiques, à partir d’images de Google Street View et de sa ville natale, Mossoul, en utilisant un outil thermographique, d’où émane un rouge incandescent.  

Les photos exposées de l’artiste luxembourgeois-portugais Marco Godinho naissent d’une poésie narrative assumée. En 2013, Marco Godinho exposait des œuvres au Casino Luxembourg sous le thème : Invisible- More Visible-More Invisible. « C’est intéressant de revenir à cette thématique », note l’artiste. Ainsi, il peut tisser des liens entre ses installations et ses photos précédentes. À travers une pratique quotidienne de la photo, il interroge sans cesse le langage et capture des alphabets nés de la mer et du vent. A Permanent Sea Inside Us (Blind Reding), exposé au Cercle Cité, est l’image d’un cahier écrit par la mer, dont les pages sont feuilletées par les mains d’une aveugle. Réalisé en 2019, au moment de l’installation à Venise, Written by water – une œuvre qui consistait en une collection de centaines de cahiers vides –, ce cliché capte les traces poétiques des voyages de l’artiste autour des frontières méditerranéennes. 

Les quatre images exposées ici par l’artiste sont le fruit de la technique de la photographie lenticulaire : images entrelacées qui permettent obtenir des effets d’animation ou de profondeur, pour créer ainsi un espace multidimensionnel où le spectateur, selon sa position, recrée de nouvelles images. « C’est assez pertinent de revenir vers la photo avec cette question de l’incertitude de l’image qui est toujours en train de se composer, commente Marco Godinho . Les images offrent des temporalités diverses, comme dans Time Too qui devient une expérience singulière, car le visiteur recompose le message en se déplaçant. »  Il en est de même pour le double portrait inédit de Jorge Luis Borges, Blind Memory (The Eyes of the Tiger), à partir d’une photographie de Eduardo Comesaña de 1969, qui se transforme sous les yeux du visiteur en une jonction d’images étonnantes et révèlent une forme obscure évoquant un troisième œil. L’œil du tigre se mue, comme sous l’effet d’un miroir, en regard intérieur pour le visiteur. 

Avec The Hidden Library, Godinho « nous invite à poursuivre l’expérience du déplacement physique et mental, et à traduire le sens intime et poétique d’une photographie en entrant dans l’intimité de la recherche de l’artiste ». En prenant le temps de se rendre au Casino Luxembourg, il s’agira de découvrir cinquante livres choisis par l’artiste et cinquante photos glissées dans les livres de la bibliothèque, comme autant de marque-pages. Une respiration créée par Godhino comme « un vent permanent à l’intérieur de nous, à l’image de haikus : ces poèmes japonais qui nous ramènent à l’essence des choses et qui contiennent en une respiration de quelques vers, tout un univers ». Un souffle, l’espace du déclenchement de l’obturateur. 

Après Rethinking Nature en 2021 et Rethinking Identity en 2023, les expositions autour du thème Rethinking photography: Presence/Absence, Visible/Invisible est une constellation de réflexions sur l’image photographique.

Rethinking Photography: Presence/Absence, Visible/Invisible,  au Cercle Cité jusqu’au 29 juin, tous les jours de 11h à 19h. 

Lieux et thèmes des autres expositions liées au thème Rethinking Photography : www.emoplux.lu