Dans une époque marquée par l’accélération, la précarité et l’épuisement, RÁPIDO propose une pause. Une respiration artistique collective dans un ancien magasin de fast fashion, au cœur de Luxembourg. Derrière cette initiative : Mia Kinsch et Oriane Bruyat, deux artistes-curatrices qui transforment les lieux vacants en espaces de réflexion. 

Comment avez-vous choisi les artistes participants, et en quoi leurs œuvres répondent-elles à l’urgence évoquée dans le concept de RÁPIDO ?
Oriane Bruyat et Mia Kinsch : Cela fait un moment que nous partageons cette envie de collaborer et de créer une expérience visuelle pour le public. La proposition du lieu est arrivée à un moment opportun pour donner vie à cette vision, pour laquelle nous avions déjà une direction artistique en tête. 
Le choix des artistes s’est fait de manière très organique : des personnes dont nous avions croisé le travail dans les villes où nous avons vécu, et des noms qui nous sont venus à l’esprit lorsque nous avons exploré l’espace d’exposition. D’un point de vue purement visuel, cela semblait également une évidence. Il y avait des œuvres que nous avions déjà découvertes auparavant et que nous voulions absolument montrer à Luxembourg. De plus, certains artistes ont conçu des œuvres spécialement pour le lieu.
Un autre aspect qui a influencé notre choix est l’engagement des artistes, la recherche conceptuelle et critique de leur travail. Les œuvres exposées interrogent cette urgence de différentes manières. Chaque artiste traite des sujets qui lui sont propres et de sa propre expérience. Une réponse commune se dégage de cette multitude, qui évoque aussi la complexité des enjeux de l’époque dans laquelle nous vivons.

Quelles transformations avez-vous observées dans l’espace vacant de l’ancien magasin de fast fashion depuis le début de l’installation ?
O.B. et M.K. : Sans tout dévoiler, ce que l’on peut d’ores et déjà révéler, c’est que lors du vernissage, les visiteurs seront confrontés à une ambiance qui occupe tout le bâtiment, avec un rez-de-chaussée vidé. Ce qui permet aussi aux visiteurs de se laisser surprendre par l’exposition du premier étage.
Ce vide est un choix scénographique, pour permettre aux visiteurs de se couper des stimuli du monde extérieur, pour créer un suspense et ensuite pour laisser place au lien possible que chacun aura avec l’exposition. En quelques mots, préparer l’œil à s’immerger dans les œuvres.
Ce vide évoque également la question des espaces vacants dans la ville. La première salle sera transformée en salle de projection, et les façons dont les artistes interviennent dans l’espace resteront une surprise à découvrir lors du vernissage ou des visites guidées.

RÁPIDO parle de survie et de réappropriation, en quoi cette exposition est-elle aussi un acte politique selon vous ?
O.B. et M.K. : Tout d’abord, le projet se concentre essentiellement sur l’art. Le lieu qui nous a été proposé invite toutefois à une réflexion supplémentaire, politique. Le bâtiment est l’un des nombreux immeubles à Luxembourg qui ont été quittés, entre autres, en raison des loyers élevés. Ce bâtiment est temporairement occupé par Laff asbl, une occupation qui comporte de sérieux obstacles. Les coûts de rénovation sont trop élevés, le chauffage est inaccessible, ce qui produit des conditions de travail présentant de nombreuses complications. Si cette exposition a lieu aujourd’hui, c’est grâce à Laff asbl qui a choisi d’ouvrir ses portes à d’autres projets et de partager l’espace. La plupart des bâtiments appartiennent à des entreprises qui sont soit inaccessibles, soit pratiquent des loyers excessifs. En tant qu’artistes engagées, et en particulier en tant que femmes artistes, c’est une question qui revient souvent. Ne peut-on pas dire qu’être une femme est un acte politique tout court ?

Que souhaiteriez-vous que les visiteurs ressentent ou retiennent en quittant l’exposition ?
O.B. et M.K. : Nous souhaitons laisser le souvenir d’une expérience rafraîchissante et hors du commun au Luxembourg. Une découverte d’artistes qui se démarquent, un échange international, une vision avant-gardiste, l’art à travers les yeux d’artistes.
Le vernissage est un moment de rencontre, où on laisse la parole aux œuvres. Une véritable invitation à la découverte. Les visiteurs pourront aller plus loin dans leur interrogation lors de visites guidées, afin de permettre un échange vivant autour de l’exposition.

RÁPIDO nous rappelle que dans un monde en perpétuel mouvement, il est urgent de s’arrêter, ne serait-ce qu’un instant,  pour réinventer nos espaces autant que nos regards. L’exposition réunira les artistes suivants : Valentin Bajolle, Oriane Bruyat, Julien Hübsch, Jakman, Alpha-Medy Kaba, Mia Kinsch, Carole Mousset, Zoriana Tymtsiv, Alberto Vitelio, 919 Waldo et Ugo Woatzi.

Le vernissage aura lieu le 24 avril de 18h à 21h au 15, avenue de la Gare.

Inscription pour les visites guidées du 25 au 30 avril : rapidoluxembourg@gmail.com 

Cette exposition a pu être réalisée avec le soutien financier du ministère de la Culture du Grand-Duché de Luxembourg.