09 juil. 2025Hybrid Futures Un regard artistique sur nos possibles futurs
Visuel: © Alice Bucknell, The Alluvials (2024)
C’est au cœur de l’espace public du Centre Mercure, à Esch-sur-Alzette, qu’Elektron présente, jusqu’au 26 juillet 2025, sa nouvelle exposition intitulée Hybrid Futures: Rhizomes, Meshworks & Alter‑Ecologies. Explorant la relation complexe et ambivalente entre les technologies et les écosystèmes naturels, l’exposition met en lumière une production artistique innovante et résolument contemporaine. Au centre du propos, des œuvres numériques qui se font les instruments d’une réflexion critique et de spéculations écologiques sur les futurs possibles de l’environnement.
Fondée en 2022 sous l’impulsion d’Esch – Capitale européenne de la culture, Elektron s’affirme comme une plateforme artistique nomade, investissant l’espace public et les lieux de partenaires locaux tels que la Konschthal ou le Bridderhaus à Esch-sur-Alzette. En inscrivant la création contemporaine au cœur de la ville, elle entend la rendre accessible à tous et l’ancrer durablement dans le quotidien des habitants. À la croisée de l’art, des sciences et du numérique, la jeune plateforme artistique favorise un dialogue interdisciplinaire au sein de formes artistiques nouvelles et engagées, tout en portant une réflexion profonde sur les enjeux sociétaux qui leur sont intimement associés.
Sous la direction artistique et scientifique de Françoise Poos et le commissariat de Vincent Crapon, Elektron interroge le rôle des technologies au cœur de nos sociétés contemporaines, en mettant en lumière les infrastructures souvent invisibles du digital et leurs impacts sociaux, écologiques et politiques. Après avoir inauguré sa programmation en mai 2024 avec l’exposition Cyber Structures: Material Realities – Digital Experiences, un parcours urbain révélant la matérialité souvent occultée du monde numérique, Elektron poursuit cette année ses recherches avec Hybrid Futures: Rhizomes, Meshworks & Alter‑Ecologies, une exposition marquée par une pensée transversale et prospective sur l’évolution du vivant et de la technologie.
Selon le philosophe Gilles Deleuze et le psychanalyste Félix Guattari, le concept de rhizome illustre une pensée dépourvue de toute hiérarchie. À l’instar de racines qui se déploient dans toutes les directions, les idées et les choses s’agencent librement sans ordre préétabli. Parallèlement, le « meshwork » de l’anthropologue Tim Ingold envisage le monde comme un tissu de relations vivantes où l’importance ne réside pas dans les objets eux-mêmes, mais dans les liens qui se sont établis entre eux. Ces deux visions, qui nous invitent à repenser le monde comme un réseau fluide et en constant mouvement, se placent au cœur du propos d’Hybrid Futures : Rhizomes, Meshworks & Alter‑Ecologies, en questionnant les frontières et les relations complexes qu’entretiennent nature et technologie.
Présentée sous forme d’un parcours urbain, l’exposition investit les espaces intérieurs et extérieurs du Centre Mercure d’Esch-sur-Alzette. En résonance avec les projets de la LUGA (Luxembourg Urban Garden), elle déploie de nouvelles perspectives sur l’impact de l’humain et sa relation à la nature et au vivant. Par la diversité des médiums artistiques mobilisés, à l’instar du jeu vidéo, de la réalité augmentée, des installations sonores ou encore des images générées par l’intelligence artificielle, Hybrid Futures: Rhizomes, Meshworks & Alter‑Ecologies offre une immersion sensible au cœur de technologies artistiques novatrices, tout en proposant une exploration à la fois esthétique et poétique de nos possibles futurs écologiques. Dans ce paysage d’explorations hybrides, marqué par les expériences sensibles et les récits critiques, les œuvres présentées proposent de nouveaux modes de perception.
L’artiste, écrivain·e et pédagogue nord-américain·e, Alice Bucknell développe une pratique véritablement interdisciplinaire, où le jeu vidéo devient un outil de spéculation critique et de narration écologique. Au centre de son œuvre, intitulée The Alluvials, se déploie une expérience immersive à la croisée du jeu vidéo interactif et de la vidéo contemplative. L’œuvre démultiplie les points de vue en permettant au joueur d’incarner une pluralité d’entités et dresse un imaginaire où la crise écologique, et particulièrement celle de l’eau, est désormais perçue par la matière et les êtres vivants non-humains. S’appuyant sur des données historiques et scientifiques, des techniques de modélisation 3D et sur l’écriture spéculative, Alice Bucknell bouleverse les codes narratifs du jeu vidéo. En modifiant les logiques classiques du gameplay, iel nous invite à envisager d’autres formes d’intelligence, ainsi qu’à réinventer nos rapports au temps, à l’espace et à l’écologie dans un monde en constante mutation.
L’artiste Bruce Eesly explore, quant à lui, les limites entre l’image documentaire, la fiction et les technologies émergentes. Dans son œuvre New Farmer, Eesly présente une série d’images glorifiant les débuts de la « Green Revolution ». Intégralement générées par l’intelligence artificielle, ces images, installées au cœur de l’espace commercial du Centre Mercure, oscillent entre récit et fiction, et se jouent de nos rapports à la technologie. En s’appuyant sur une forme de nostalgie fabriquée, Eesly met en lumière les dérives de l’industrialisation agricole. Dans son œuvre, des légumes de taille démesurée envahissent le paysage et offrent une vision caricaturale qui remet en cause la confiance aveugle que nous accordons aux récits d’autorités et aux images.
Avec Vaster than Empires, le collectif CROSSLUCID propose une interprétation sensible et contemporaine de la nouvelle d’Ursula K. Le Guin intitulée Vaster than Empires and More Slow (1971). Cette vidéo, entièrement générée par l’intermédiaire d’une intelligence artificielle spécialement entraînée pour explorer les thèmes chers à l’autrice, met en lumière des images en constante mutation qui évoluent de manière organique et fluide. Illustrant les réseaux neuronaux et des formes d’intelligence complexes, Vaster than Empires résonne avec les enjeux de l’exposition. Comme une invitation à repenser nos modes de communication avec le non-humain, l’œuvre ouvre la voie à une nouvelle manière d’appréhender le vivant dans un environnement régi par des technologies toujours plus complexes.
C’est autour de cette œuvre et de sa dimension numérique qu’Elektron initie également, en collaboration avec la Tate Modern de Londres et le Ministère de la Culture, un projet de recherche sur de nouveaux dispositifs de conservation, adaptés aux pratiques artistiques nées de l’ère post-digitale. Une manière de faire vivre ce nouveau type d’œuvres dans le temps, tout en contribuant à l’élaboration d’un cadre pérenne pour leur transmission et leur reconnaissance institutionnelle.
Ainsi, l’exposition Hybrid Futures : Rhizomes, Meshworks & Alter‑Ecologies invite à une immersion singulière au cœur des imaginaires numériques et écologiques contemporains. Si The Alluvials d’Alice Bucknell ou Vaster than Empires de CROSSLUCID y occupent une place de choix, d’autres œuvres, tout aussi fascinantes, attendent les visiteurs dans ce vaste parcours guidé par des approches artistiques novatrices. Une occasion à ne pas manquer pour découvrir comment les arts numériques, dans ses formes les plus novatrices, éclairent les enjeux du présent et forgent les contours de nos possibles futurs.
L’exposition Hybrid Futures : Rhizomes, Meshworks & Alter‑Ecologies est visible jusqu’au 26 juillet 2025, au Centre Mercure, 12, Rue de l’Alzette.
Accessible librement et gratuitement, du jeudi au samedi entre 12h et 18h, l’exposition s’accompagne d’une riche programmation mêlant conférences, rencontres et visites guidées.
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