Mondorf-les-Bulles

30 nov. 2022
Mondorf-les-Bulles

Article en Français
Auteur: Pablo Chimienti

L’association D’Frënn vun der 9.Konscht sort une nouvelle bande dessinée. Après Fortific(a)tions en 2020 et Eng Këscht Geschichten cet été, voici Mondorf-les-Bulles. L’album de 68 pages contient cinq histoires scénarisées et/ou dessinées par sept auteurs et autrices du Grand-Duché. Point commun de ces différents récits, ils sont tous en lien avec la commune de Munneref, connue sous le nom de Mondorf-les-Bains en langue française.

Voilà plus de trois ans que l’association D’Frënn vun der 9.Konscht regroupe la plupart des auteurs de BD luxembourgeois dans le but de faire travailler ensemble les artistes grand-ducaux actifs dans le champs des planches, cases et autres phylactères, de promouvoir la BD et de publier des albums collectifs réunissant pas seulement les auteurs, mais également leurs univers aussi bien narratifs que graphiques. Fortific(a)tions, sorti en novembre 2020 et tiré à 3.300 exemplaires, regroupait déjà Marc Angel, Lucien Czuga, Marion Dengler, Andy Genen, Antoine Grimée, Sabrina Kaufmann, John Rech, Jean-Louis Schlesser et Pascale Velleine autour de six histoires imaginée autour des fortifications de la ville de Luxembourg. L’album était disponible en trois versions linguistiques : luxembourgeois, anglais et français.

Pour Mondorf-les-Bulles, la thématique change mais le principe reste le même. Disponible en luxembourgeois et français, le nouvel album, rassemble, lui, Lucien Czuga, Marion Dengler, Andy Genen, Sabrina Kaufmann, Nadine Scholtes, John Rech et Pascale Velleine.

Sept auteurs et autrices au lieu de neuf donc. « Pour ce Mondorf-les-Bulles, il y a effectivement quelques auteurs de moins que pour Fortific(a)tions », confirme la cheville ouvrière de l’association, Lydia Alegria, « Quand nous avons un nouveau projet, nous essayons de varier les auteurs et d’initier un « plus jeune » mais cela dépend aussi des agendas des uns et des autres qui sont bien souvent très rempli ». Elle poursuit : « Le choix des auteurs a été fait selon les disponibilités et les affinités des uns et des autres. Quand nous avons présenté le projet à notre comité, certains auteurs ont tout de suite répondu qu’ils n’étaient pas intéressés ou qu’ils avaient trop de travail ; d’autres au contraire ont sauté sur l’occasion et ont pu se projeter sur une histoire qui cadrerait parfaitement avec leur style » ajoute-t-elle.

Cinq récits en un

Des styles très différents, en effet, qui vont du récit humoristique-fantastique, au récit historique en passant par une biographie ou encore une fiction en ce qui concerne les récits et de la ligne claire ultracolorée au dessins réalistes et monochromes ou encore un style manga jouant à la fois sur un noir et blanc ultra contrasté et la couleur, principalement le rouge, explosive en ce qui concerne les graphismes. De quoi donner un aperçu, en soixante pages à peine, de la grande variété de styles existant dans la petite scène BD grand-ducale.

Ainsi, dans « La Cure de Mélassina », le scénariste Lucien Czuga (Superjhemp, Déierrubrik, De Pechert, De leschte Ritter, Vum Siggy bis bei d'City, Hot Cuisine, Jamie Blond, De Ris geet op d’Rees…) et la dessinatrice Pascale Velleine (Jamie Blond) réinventent le mythe de Mélusine et mettent à l’honneur le domaine thermal de Mondorf ainsi que le parc verdoyant qui l’entoure dans une histoire fantastique pleine d’espoir, d’amour et de queues de poisson.

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Dans « Mémoire », Marion Dengler (Schwarz Weis Rot, Verflechtung, LUX:plorations) s’intéresse, à travers la vie de Georges Marx (1924-1994), à la triste histoire de la synagogue de Mondorf-les-Bains, qui survécu à la Seconde guerre mondiale mais fut fermée en 1974, faute de fidèles, avant de rouvrir en 2015 en tant que centre culturel.

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L’homme le plus fort du monde

Dans « La Force de l’amour », le duo John Rech (Dream Catcher, Dem Junior seng Aventuren, Gefaangen an der diddelenger Geschicht…) et Andy Genen (De leschte Ritter, Sasquatch, De roude Puma, Dream Catcher, Tow & Tank, De Ris geet op d’Rees…) se penche sur la vie de John Grün, natif de Mondorf qui était considéré, à la fin du XIXe et début du XXe siècle comme l’homme le plus fort du monde. L’homme fit le tour du monde, il montra sa force herculéenne à New York, à Londres, à Berlin avant de rentrer au bercail… Les deux auteurs, avec l’humour bon enfant du premier et le graphisme volontairement enfantin du second, rappellent ce parcours hors du commun à travers une scène fictionnelle et courte, délimité dans le temps – une soirée –, et dans l’espace – le cirque où il se produisait –, autour de son histoire d’amour avec Emily Comens.

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Amour toujours chez Sabrina Kaufmann (Sweet Pleasure, La Valse des Aristocrates, Illustrated Fairytales…). Dans « Love Gamble », l’autrice, imagine une histoire d’amour impossible entre une jeune fille naïve et un coureur de jupons dans l’enceinte du Casino 2000. Un jeu de séduction, entre machines à sous, poker et roulette dans le temple national des jeux de hasards qui ne pouvait se finir en jackpot. À moins d’accepter l’idée que le jackpot n’est pas toujours celui qu’on im aginait au départ, voire que le jackpot de l’un n’est pas nécessairement celui de l’autre. Car après tout, il n’y a pas que l’argent dans la vie.

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Dans « Projet Mondorf », enfin, Nadine Scholtes (Cool Uncle, Mermaids, True Myths) envoie ses personnages, trois filles adolescentes et la petite sœur d’une d’entre elles, faire un petit tour de la commune pour préparer un exposé pour le lycée. Elles vont s’intéresser aux différentes sources des thermes, à leurs noms, à l’histoire aéronautique de la commune, à son musée de l’Aviation luxembourgeoise… jusqu’à ce qu’un événement aussi fantastique que sympathique vienne perturber leurs devoirs.

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Une commune à redécouvrir

On l’aura compris, ce sont des aspects très différents de la commune de Mondorf-les-Bains que les artistes réinterprètent et racontent, comme cela avait déjà été le cas pour Fortific(a)tions, de façon très personnelle. « Nous sommes très contents du résultat, surtout que raconter l’histoire d’un village ou d’une ville est enrichissant à maints points de vue » note à ce sujet Lydia Alegria.

À la fin de l’album, un petit texte raconte le contexte de chaque partie et apporte quelques informations historiques, mythologiques, biographiques… pour compléter chacun des cinq récits. Car il faut bien dire, avec 10 planches à disposition pour raconter chaque histoire, les auteurs n’ont pas vraiment la possibilité de tout expliquer et pas toujours la possibilité de donner de la profondeur à leurs personnages. Impossible de rentrer dans la description, dans le détail, chacun doit aller droit au but. Un challenge, on imagine, très intéressant pour les auteurs mais qui ne facilité pas nécessairement la lecture et qui fait que le lecteur a parfois un peu de mal à suivre les intrigues.

L’équivalent d’une soirée de courts métrages

Au-delà de cet aspect parfois un peu abscons de certains de ces récits, avouons que le passage entre une histoire humoristique faite de mythologie et de jeux de mots à une histoire rappelant la Shoah et la disparition d’une grande partie de la communauté juive nationale peut sembler pour le moins abrupt. Dans Fortific(a)tions, les différentes courtes histoires était reliées par un récit cadre servant de fil rouge du début à la fin de l’album. Ce fil rouge fait cruellement défaut à ce Mondorf-les-Bulles ; il aurait très probablement gommé le passage trop brusque entre un univers et l’autre. Il aurait surtout donné du liant pour faire, des différents ingrédients que sont ces cinq histoires, une recette accomplie et réussie. Alors que là, s’il fallait comparer cet album à un œuvre du 7e Art, l’album ressemble plus à une simple soirée de courts métrages qu’à un long-métrage ou ne serait-ce qu’un film à sketches.

Reste néanmoins, pour ce nouveau projet de D’Frënn vun der 9.Konscht, l’intérêt de redécouvrir la commune de Mondorf-les-Bains à travers les yeux de ces sept artistes et aussi la manière dans ce Mondorf-les-Bulles rappelle la richesse et le dynamisme de la toujours petite mais de plus en plus variée et vigoureuse scène grand-ducale de la bande dessinée.

Mondorf-les-Bulles de Lucien Czuga, Marion Dengler, Andy Genen, Sabrina Kaufmann, Nadine Scholtes, John Rech et Pascale Velleine. D’Frënn vun der 9.Konscht. ISBN : 978-2-9199659-4-6. 18 euros.

https://9konscht.lu

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