29 sep. 2021Esch inaugure sa Konschthal
Mettre Esch-sur-Alzette sur la carte internationale de l’art contemporain ! Telle est la mission de Christian Mosar, historien de l’art, critique, photographe et ancien directeur artistique d’Esch 2022, depuis qu’il a été nommé directeur artistique de la Konschthal Esch qui ouvrira officiellement ses portes ce week-end.
Esch-sur-Alzette n’est pas encore officiellement capitale européenne de la culture, mais elle a depuis longtemps entamé une mue culturelle qui l’entraîne vers cette année 2022 qui pourrait la transformer à jamais. Une nouvelle étape sera franchie ces samedi 2 et dimanche 3 octobre avec la fête d’ouverture de la toute nouvelle Konschthal Esch.
Situé sur le boulevard Prince Henri de la Métropole du Fer à l’emplacement de l’ancien magasin de meubles de l’Espace Lavandier, ce nouvel espace dédié à l’art contemporain visuel et performatif fait partie d’une vaste stratégie de reconquête culturelle du centre-ville eschois. Une reconquête qui voit de nouvelles structures comme l’Ariston, le Bâtiment IV ou encore le Bridderhaus s’ajouter aux institutions déjà en place telles que la Kulturfabrik, l’Escher Theater, le Musée national de la Résistance, la Maison Mousset ou encore la galerie Schlassgoart. Des institutions qui ne veulent pas rester des îlots culturels isolés, mais comptent plus que jamais travailler ensemble, mettre en place des projets communs, des collaborations, une communication coordonnée et ainsi propager, tous ensemble, la culture sur l’ensemble du territoire eschois ainsi que dans les communes avoisinantes, qu’elles soient de ce côté-ci ou de l’autre côté de la frontière toute proche.
« En mars, il y avait encore des meubles ici » se rappelle Christian Mosar. Une structure de plus de 2 400 mètres carrés avec un rez-de-chaussée et trois étages qui compte proposer, à partir de ce week-end, six expositions par an. « Comme les espaces sont grands et ouverts, et qu’ils rentrent parfois les uns dans les autres, nous allons nous concentrer sur des œuvres, pas nécessairement monumentales, mais qui auront une relation à la taille de l’espace » précise le responsable. « On ne peut pas mettre une aquarelle de 5 cm sur 10. Ça n’ira pas, en tout cas pas pour l’instant » ajoute-t-il. « On doit partir sur du monumental, des œuvres sonores ou encore des vidéo-projections ».
© Pablo Chimienti
En permanente transformation
C’est donc avec cette idée très claire en tête que le directeur artistique a mis en place la première année de programmation de la Konschthal. Il note : « Notre philosophie est celle de la transformation permanente. Ce sera, en tout cas, le fil rouge de la première année programmatique de la Konschthal ». Un fil rouge en quatre parties et quatre temps : transformation, exposition, installation et immersion.
La transformation sera notable dès l’ouverture ce week-end avec d’un côté la redécouverte du bâtiment et de l’autre côté le vernissage de Ego-Tunnel de Gregor Schneider où l’artiste allemand propose, pour sa première exposition monographique au Luxembourg, une sélection de ses Räume, ces espaces architecturaux ordinaires – chambre, salle de bain, couloir, ascenseur – où se trouvent films, photos, sculptures et autres surprises.
L’aspect exposition plus classique sera le deuxième grand volet de la première saison de la Konschhal avec une exposition monographique de Filip Markiewicz à partir du 27 février 2022. Le côté installation s’imposera, lui, l’été prochain avec une grande exposition dédiée à l’artiste danois Jeppe Hein qui installera, sur la quasi-totalité de l’institution eschoise, une de ses gigantesques pistes de billes. « Quand le visiteur rentre, il reçoit sa boule », explique, amusé, Christian Mosar, « il doit ensuite essayer de la suivre tout au long du parcours » reprend le responsable des lieux, qui semble avoir hâte de voir les visiteurs suivre leurs boules sur les trois étages de la Konschthal. L’immersion enfin est programmée pour septembre 2022 avec l’artiste lituanien Deimantes Narkevicius qui transformera les lieux en plusieurs salles de projection avec ses travaux sur l’ère post-soviétique.
Des formes d’art très différentes
Une première année pendant laquelle Christian Mosar tient donc, « à travers quatre expositions majeures mais formellement très différentes, à montrer ce que la Konschthal peut proposer en tant que formes d’art contemporain ».
Quatre expositions majeures qui seront accompagnées par des présentations de moindre envergure, mais pas pour autant dénuées d’intérêt. « Une autre mission de la Konschthal est de faire dialoguer des artistes luxembourgeois ou régionaux et des artistes internationaux. Soit à travers des expositions séparés soit communes » souligne le directeur artistique. Ainsi pour ce grand week-end d’ouverture, le travail de Gregor Schneider côtoiera les œuvres du programme Lët’z Arles – Providencia de Daniel Reuter et ERRE de Lisa Kohl – qui occuperont le rez-de-chaussée de la « Hal », mais aussi les premières œuvres prenant place dans le « Project Room ».
Cette structure flexible et nomade au sein du bâtiment offrira aux programmateurs la possibilité de réagir de manière quasi-immédiate à l’actualité. Une idée née cet été après les inondations de la mi-juillet qui ont sinistré le dépôt d’œuvres du duo Martine Feipel & Jean Bechameil, déjà présents dans le programme de la Konschthal à travers le cycle de préfiguration de la structure, Schaufenster 1, en octobre 2020. Après la catastrophe, plusieurs œuvres du duo ont été déplacées à la Konschthal pour être séchées, nettoyées et examinées. Parmi elles, Mechanics of the absent revolution, sculpture proposant une allusion claire aux statues de Lénine et désormais présente dans la « Project Room » en compagnie de quatre clichés de la série photographique Looking for Lenin de Niels Ackerman et Sébastien Gobert. Celle-ci se penche sur le déboulonnage, la destruction ou encore la décapitalisation de quelques 1 500 statues de Lénine en Ukraine dans les mois qui ont suivi l’annexion de la Crimée par la Russie voisine.
© Pablo Chimienti
Un week-end de fête
Des inaugurations qui feront partie d’un grand week-end d’ouverture festif pendant lequel les arts plastiques partageront, exceptionnellement, les lieux avec la musique et les arts de la scène. Highlights du week-end, au choix : pour les amateurs d’arts plastiques, l’« Artistic talk » avec Gregor Schneider, dimanche à 15 h, ou, pour les mélomanes, le concert de Nouvelle Vague, samedi à 21 h devant la Konschthal. Le collectif parisien de new wave bossa nova partagera cette scène extérieure avec Naomi Ayé, Zalindê et Irène Drésel à partir de 20 h et jusqu’à minuit.
Samedi toujours, une seconde scène sera installée en intérieur dans le dépôt de la structure. Elle sera occupée par Jaime Joaquim et Church of Analogue en début d’après-midi, puis par les DJ sets de DJ Douple P et DJ Riven à partir de minuit. Cette riche programmation musicale, mise en place en collaboration avec la Kulturfabrik, sera complétée par le spectacle jeune public (à partir de 4 ans) Histoire en bois de la Compagnie Moustache, dimanche à 16 h.
Un vaste programme qui devrait donner l’occasion aux plus grand nombre de découvrir cette nouvelle Konschthal Esch, ses étages, son équipe, sa philosophie… Un lieu d’exposition qui sera ensuite ouvert du jeudi au dimanche de 11 h à 18 h, avec des nocturnes tous les jeudis jusqu’à 20 h. Un lieu à l’entrée libre et gratuite qui comptera de nombreux médiateurs et proposera un café au premier étage, afin d’ouvrir grand les portes de l’art contemporain à tout un chacun.
Ndlr: Programmé ce samedi dans le cadre du week-end d'ouverture de la Konschthal Esch, le concert de Nouvelle Vague est annulé suite au décès d'Olivier Libaux, guitariste et cofondateur du groupe.
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